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Mon chemin de foi en Centrafrique

Publié par jeunescathos le 26 février 2014 - A la Une, Engagements, Société, Vie de l'Eglise

Bien des aspects de la vie en République Centrafricaine ont changé ces sept dernières années. Les violences ont apporté leurs lots de désolations. L’actualité en fait échos. Dans ce contexte, le témoignage d’Anne-Sophie prend toute sa valeur. Son itinéraire de volontaire, témoigne d’un chemin de foi exigeant où le regard s’affine. Petit à petit, les déceptions et les jugements laissent la place à une expérience pascale qui permet de déployer une foi vive, fidèle et enrichie.

Si je devais résumer mon expérience de foi en Centrafrique, je dirai que, d’une grande intensité, elle fût autant déstabilisante qu’enrichissante, autant source de souffrance que de joie profonde.

Une Eglise dynamique

BanguiJe suis partie avec l’image d’une Eglise d’Afrique jeune et dynamique, comme on l’a souvent en Europe.

Je ne fus pas déçue ; le tableau est magnifique : une cathédrale surchauffée où la chorale accompagnée de synthé, de guitare-basse et de tam-tam locaux (joyeux mélange !) prennent une place prépondérante, où des hommes et des femmes de tous âges frappent des mains et se balancent au rythme des chants et de la musique, où les plus beaux pagnes sortis pour l’occasion, les aubes jaunes-orange des servants de messe nous offrent un arc en ciel de couleurs, où les minutes semblent suspendus le temps d’une célébration (de 2h à 2h30).

L’inculturation est parfaite ; l’intégralité de la messe est dite en Sango (langue nationale), de la Parole de Dieu, aux prières en passant par les préfaces jusqu’aux oraisons.

Tellement dynamique qu’au bout de quelques mois, on aspire à plus de simplicité et de recueillement. La liturgie devient un théâtre et on en cherche la profondeur, le sens. On touche là les limites de l’inculturation : liturgie ou rites ? homélie ou rassembleur de foule ? foi ou croyances ?

Une Eglise qui se cherche

BanguiDerrière cette Eglise vivante, j’ai aussi trouvé une Eglise qui se cherche, une Eglise qui souffre profondément de l’intérieur.

Comment discerner une vocation lorsque « tout quitter » veut dire « tout gagner » : une ascension sociale, une gloire familiale, une réussite personnelle sont souvent des sentiments qui animent les jeunes ordonnés, profès ou professes.

Comment vivre le célibat dans une société où il n’a pas sa place, où il est montré du doigt, signe de malédiction ? Où la sexualité est aussi taboue que vagabonde ?

Face à cela, l’Eglise est extrêmement rigide, que ce soit pour le clergé ou pour les paroissiens. Peu de gens communient (on l’interdit aux jeunes gens non mariés, à ceux qui ne se sont pas confessés…).

« Toutes mes convictions s’effondraient. »

C’est cette Eglise là qui m’a interpelée, qui m’a provoquée. De joie, je suis passée à une remise en question profonde qui m’ébranla. Le modèle de la vie religieuse d’Europe, de l’Eglise de Rome était-il le bon ? L’Eglise que je connaissais n’était finalement pas si universelle que j’en avais le sentiment lors des JMJ de Paris par exemple… Toutes mes convictions s’effondraient. Où en étais-je avec ma foi ? Totalement déracinées, sans charpente (la tradition culturelle de l’Eglise française, les représentations que j’en avais…), les fondations de ma propre foi se sont alors offertes à moi.

J’ai fait l’expérience d’un chemin spirituel immense.

Joie de la Parole vivante !

BanguiAvec en plus un accompagnement personnel régulier, j’ai découvert la Parole de Dieu autrement. Dans un pays où la chaleur, le relief, les modes de vie, les populations sont tellement plus proches de ceux de l’Evangile, elle s’est révélée vivante. Quelle chance et quelle joie de pouvoir le palper. Jésus est parmi nous aujourd’hui parce qu’il nous parle encore. Il est tendresse avec ses propres mots, il est espérance avec ce qu’il nous dit.

Joie aussi de vivre ma foi librement, sans regard ni jugement. Il n’y a pas de remise en cause de l’existence de Dieu en Afrique, toute la société est spirituelle (quelque soit la religion). On fait une prière avant de commencer une assemblée générale de parents d’élèves, avant d’entamer une table ronde sur les droits de l’homme avec les élus locaux (musulmans, catholiques et protestants).

Ainsi, réciter son chapelet, se mettre à genoux, aller à la messe tous les jours ne choquent absolument personne. Bouffée d’oxygène !

Joie aussi de partager pendant trois ans la vie des communautés religieuses missionnaires nombreuses à Bouar. Des françaises (oblates de Ste Thérèse de Lisieux) chez qui j’étais accueillie mais aussi des polonais, italiens, malgaches, rwandais, etc.

La rencontre de la diversité s’est aussi faite à travers eux. Une amitié simple, de petites attentions qui font chaud au cœur, des échanges interminables… Ils et elles (les sœurs) ont été ma famille adoptive.

J’ai vécu avec elles l’eucharistie quotidienne (en paroisse), la prière de l’office (les laudes et les vêpres), l‘adoration hebdomadaire. Même s’il était quelque fois difficile de s’y tenir, ce n’était pas non plus des choses à faire en plus, du temps perdu. Ce rythme de prière m’était offert et il était très simple de l’accueillir. Ma vie a alors pris une autre dimension, c’est ce qui m’a permis de tenir dans les difficultés puisque je les offrais chaque jour.

Et ce témoignage de foi, de vie de prière, m’a beaucoup aidé dans mon travail. Les parents, les enseignants me respectaient d’autant plus qu’ils me savaient « fidèle à mon Eglise ».

 

vignette Anne-Sophie

Anne-Sophie a vécu en Centrafrique trois ans de septembre 2004 à juillet 2007 en tant que volontaire de la DCC (Délégation Catholique pour la Coopération). Elle était directrice d’une école primaire, l’école catholique associée St Joseph, dans la ville de Bouar, au Nord-Ouest du pays.

 

 

 Lire aussi :

“Chrétiens et musulmans en Centrafrique sont victimes d’un conflit qui les dépasse”
“J’ai passé le plus beau Noël de ma vie en Centrafrique”

 

 

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