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« Heureux les artisans de paix » (Mt 5, 9)

Publié par jeunescathos le 22 avril 2014 - A la Une, Interreligieux, Vie de l'Eglise

Fr. Sébastien, français, vivait en Syrie avant de rejoindre le Kurdistan irakien en octobre 2012 à cause de la guerre. Il y vit la vocation de sa communauté Al-Khalil consacrée à la paix et au dialogue islamo-chrétien (voir son billet précédent). Il revient sur le dimanche des Rameaux et l’amitié fraternelle vécue au-delà de ce qui divise et rend hommage au père Frans van der Lugt, ‘homme de paix’, abattu le 7 avril dernier à Homs en Syrie.

 

« Le dimanche des palmes »

dimanche rameaux kurdistan irakienIl y a plus de deux mille ans, à Jérusalem les enfants agitaient des branches d’olivier pour accueillir ce roi étonnant juché sur un âne, mais les communautés chrétiennes en Mésopotamie exprimèrent leur foi avec les branches de l’arbre qui leur était habituel, le palmier. C’est ainsi que jusqu’à présent on appelle ce jour « le dimanche des palmes », et les autels prennent un air d’oasis, nous rappelant l’existence séculaire de communautés chrétiennes de langue et de culture arabe, enracinées dans le style de vie des tribus, des bédouins. Dans le Coran, on lit d’ailleurs que Marie, enceinte de Notre Seigneur, est  invitée à secouer un palmier pour en recueillir les fruits.

A Souleymanié, nous sommes au confluent entre cette chrétienté sémitique et le monde iranien. Notre « Eglise de l’Orient », avec son siège à Babylone, avec sa langue sacrée chaldéenne, avec ses « évêques des campements » durant les premiers siècles, porte cette histoire sémitique et la vit aujourd’hui en célébrant la messe en chaldéen et arabe. Mais nous vivons ici au sein du peuple kurde, dont la langue et les traditions, comme le nouvel an « nowruz » ou fête du printemps le 21 mars, se rattachent au contraire au monde des langues persanes et à ses racines zoroastriennes.

Le petit troupeau des fidèles qui nous accueille, nous les moines étrangers, est à l’image de ce mélange : certains venus du sud, de Bagdad, Kirkouk ou encore Mossoul, sont marqués par la culture arabe, tandis que les familles ayant vécu à Souleymanié depuis plusieurs générations parlent kurde et ont vécu en harmonie, en sympathie avec ce peuple.

Une présence chrétienne

rando kurdistan irakienNous formons le vœu d’une présence chrétienne accompagnant avec amour ce peuple kurde et sa double identité, d’une part membre de la grande famille islamique, de l’ « oumma », et d’autre part nation se voulant autonome, distincte des Arabes.

Hier, comme tous les samedis, randonnée dans les magnifiques montagnes environnantes, avec une équipe réunie par le hasard des rencontres : Kurdes locaux et Kurdes réfugiés de Syrie, chrétiens de Bagdad ayant fui les attentats contre les églises, étrangers…

Hommage au père Frans van der Lugt

père frans van der lugt

Le père Frans van der Lugt, le 2 février 2014 devant le monastère des jésuites de Homs. Crédits photo : Mohammed Abu Hamza/AFP

En haut des rochers, après un pantalon déchiré dans l’escalade et un sac à dos tombé dans le torrent, un jeune musulman et moi-même nous interrogeons : qu’est-ce que « cette vie » et « la vie éternelle » ? Pour parler en vocabulaire islamique « la vie du monde » (étymologiquement, « la proche » – ad dunya) et « la dernière » (al akhira) ? Sont-elles complètement distinctes ? Est-ce que « la dernière » ne serait pas déjà présente, invisible, dans notre monde ? Comme ce Royaume « au milieu de vous » dont parle Jésus ?

Et j’ai en tête le visage de notre ami le père Frans, assassiné à Homs* le 7 avril dernier. Comment les justes pourraient-ils mourir complètement, partir sans laisser de traces ?

Le père Frans organisait plusieurs fois par an de grandes marches à travers la Syrie, qui réunissaient des centaines de participants… Comme lui, je crois que le contact avec la nature, le rythme de la marche, le sens de l’effort, favorisent de nouvelles amitiés, sous le signe d’un temps plus éternel, d’un silence plus fécond, d’une vérité plus radicale. C’est ce que nous essayons de vivre ici. Que l’amitié fraternelle en Dieu qui nous rassemble soit toujours plus forte que la mort. Que nos modestes débuts ici soient dédiés à la mémoire d’Abuna Frans, et marchons avec lui à la lumière de Pâques.

 

Frère Sébastien est diplômé d’HEC et a travaillé pour le quai d’Orsay.
Il a également traduit de la poésie afghane et a créé un site internet de poésies orientales. Il est devenu moine de la communauté monastique Al-Khalil en 2011, tout d’abord au monastère de Mar Moussa en Syrie puis à celui de Maryam-Al-Adhraa (« de la Vierge Marie ») à Souleymanieh dans le Kurdistan irakien.

 

* Frans van der Lugt, prêtre jésuite néerlandais, résidait en Syrie depuis 1966. Malgré la guerre et les conditions de vie extrêmement difficiles, il avait choisi de rester dans ce secteur de la ville, assiégé et bombardé depuis près de deux ans par les troupes de Bachar el-Assad.
Le 7 avril, un lundi matin, “un homme est venu le chercher, l’a sorti de la maison et lui a tiré à deux reprises dans la tête, dans la rue, en face de sa maison”, a expliqué le secrétaire de l’Ordre des jésuites néerlandais, Jan Stuyt. >> Pour plus d’infos, voir ici, ici ou ici

Voir aussi :
Vivre la paix entre chrétiens et musulmans au Kurdistan irakien

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Commentaires

A toi la parole.

  1. paul cotte says: avril 22, 2014

    C’est horrible. Un instrumant de Dieu tue de cette facon Decidement, la “Bible “des Mulsumans ( le Coran est ,en partie,indpire par Satan. Decidement,la reunification des Eglises n’est pas.pour demain. Par consequentils ne nous qu’a continuer de prier pour cette dernieres

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