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Pour vous, qui suis-je ?

Publié par jeunescathos le 10 janvier 2012 - Culture & Médias, Société

Les derniers mois de l’année 2011 ont été marqués par la polémique qui s’est développée à la suite de deux spectacles donnés à Paris et dans quelques-unes des grandes villes de France : Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci et Golgota Picnic de Rodrigo Garcia. Mgr Pascal Wintzer, Administrateur apostolique de Poitiers, revient sur ces polémiques.

Il y a différentes manières de porter un jugement sur ces spectacles, comme d’ailleurs sur toute œuvre d’art.
La première attitude c’est de formuler un jugement esthétique. Ici, il en va des goûts et des couleurs ; la diversité des opinions est naturelle et nécessaire. Celle que je propose ici m’est donc très personnelle. Certes, je suis évêque, mais ceci ne me donne aucune compétence particulière pour donner un avis qui serait plus pertinent que n’importe quel autre.
Ceci dit, si toute opinion est légitime, avant de s’exprimer, elle doit respecter quelques exigences. La première, c’est bien sûr d’avoir vu le spectacle en question, ou le film s’il s’agit de cinéma.

Or, je n’ai pu voir aucun de ces deux spectacles : vous avez alors le droit d’arrêter ici de me lire.

Sur le concept du visage du fils de DieuCependant, il y a trois ans, j’ai vu un précédent spectacle de Romeo Castellucci, son adaptation de L’Enfer de Dante. Certes, le sujet appelle cela : le spectacle était constitué d’images fortes. Ainsi, dès le lever de rideau – même s’il la scène n’était fermée par aucun rideau – une dizaine de chiens d’attaque, tournés vers le public, aboyaient et montraient les crocs (ils étaient heureusement tenus en laisse).
Les spectacles de Castellucci sont purement visuels, ils ne comportent aucun dialogue, seules parlent les images.
Pour ma part, je peux estimer qu’il s’agit davantage d’une performance que de théâtre : le théâtre, c’est avant tout un texte, et un grand texte. Mais en cela Castellucci appartient bien à notre culture d’images ; rien n’existe en dehors d’elles ; de même, une fois ses spectacles terminés, qu’en reste-t-il, puisqu’il n’y a aucun texte ?

Pour Rodrigo Garcia c’est différent. Il travaille sur un texte, et il en est l’auteur. Ceci est significatif de bien des spectacles contemporains : même s’ils sont une œuvre collective, le metteur en scène y tient la première et presque unique place : auteur, scénographe, metteur en scène, interprète parfois. Et lorsqu’il se saisit d’un texte classique (Racine, Shakespeare, Tchekhov) il le « retravaille » souvent  au risque de le travestir.

Même si Golgota Picnic s’appuie sur un texte, il opère aussi par des images. Le dessein du metteur en scène, c’est la critique de la société de consommation et du capitalisme financier. Pour lui, tout se trouve peu à peu contaminé par cela, même la religion. D’où des images, reconnaissons-le, faciles et grossières : une scène dont le sol est constitué de hamburgers et un Christ en croix dont des billets de banque sortent de la plaie de son côté.

Vous le constatez, je formule plus que des réserves quant aux qualités artistiques de ces deux œuvres ; cependant, c’est autre chose de les regarder comme voulant attaquer la foi chrétienne et la personne de Jésus-Christ.

Ici, plus que les slogans des flatteurs ou des détracteurs, ce sont les propos même des auteurs de ces spectacles qu’il faut entendre. Avant de leur prêter quelque intention blasphématoire, écoutons-les.

« Un jour, en feuilletant un livre, je suis tombé sur ce portrait de Jésus que j’avais étudié des années auparavant, aux Beaux-Arts de Bologne. J’ai littéralement été saisi par ce regard qui plonge dans vos yeux : j’ai marqué une pause, très longue, qui n’avait rien de naturelle et j’ai compris qu’une rencontre s’opérait. Je n’étais pas seulement devant une page de l’histoire de l’art, mais devant autre chose. Il y avait un appel dans ce regard. C’était lui qui me regardait, tout simplement. Dans Sur le concept du visage du fils de Dieu, ce regard du Christ est central et rencontre chaque spectateur, individuellement. Le spectateur est sans cesse observé par le fils de Dieu. Montrer le visage du fils de Dieu, c’est montrer le visage de l’Homme, Ecce Homo saisi au moment de la fragilité qui ouvre à la Passion. […].

Jésus est depuis toujours le modèle de l’Homme. Depuis la crucifixion, Dieu s’est abaissé jusque dans notre misère la plus triviale : il nous précède dans la souffrance en général, et dans celle de la chair en particulier […].

Pas de polémique, pas de blasphème, pas de raccourci de pensée ni de caricature idiote : ce que je fais requiert une lecture patiente, du temps et de la réflexion. Ce que je fais est un appel à l’intelligence et à la sensibilité de chacun des spectateurs. A la fin du spectacle, un voile noir coule sur le portrait du fils de Dieu : Dieu se retire dans le brouillard du fond de scène, depuis lequel il avait fait son apparition. Il est venu à nous et nous a regardés : il l’a fait. »
(Dossier de presse du Festival d’Avignon 2011).

Enfin, il me semble qu’un texte de l’Evangile éclaire l’attitude que, comme chrétiens, nous pouvons adopter lorsque des spectacles, des films, des livres, traitent de qui donne sens à notre vie.

Au chapitre 16, versets 13 et 14, de l’évangile de saint Matthieu, Jésus demande à ses disciples : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? » Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »

Encore aujourd’hui, des hommes et des femmes disent qui est pour eux Jésus-Christ ; ils ont ou non la foi, mais ils reconnaissent en lui une des grandes figures de l’histoire de l’humanité. N’ont-ils donc pas le droit de parler de Jésus, même s’il n’est pas pour eux le Fils de Dieu, le Sauveur ? Même sans partager ce qu’ils expriment, on peut respecter leur opinion, on peut l’estimer avec intérêt, on peut même y entendre proposée une manière originale, belle, de parler du Christ. Et puis, si nous acceptons d’engager le dialogue, ce peut être un point de départ pour rendre compte de la vérité du visage de Jésus-Christ.

C’est ce que demande Jésus dans les versets suivants, 15 et 16, du même chapitre : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » C’est ce que firent les milliers de catholiques rassemblée à Notre-Dame de Paris le soir du 8 décembre, en réponse à l’invitation du cardinal Vingt-Trois : ils ont médité la Passion du Seigneur et chanté leur foi sans la salut qu’il donne.

N’oublions pas qu’un des plus ardents apôtres du Seigneur fut d’abord un persécuteur : saint Paul. Je ne pense pas que Castellucci ou Garcia aient voulu persécuter les chrétiens ou dénigrer le Christ. Les enfermer dans ces jugements, comme traiter de mécréants tous ceux qui parlent de la foi sans employer les seules formules du catéchisme, c’est ne leur laisser aucune chance d’aller plus loin dans une découverte de la plénitude du mystère de Jésus-Christ. Quant à nous, notre mission n’est pas de condamner mais d’évangéliser.

Mgr Pascal Wintzer

Ciric

 

+ Pascal Wintzer, évêque
Administrateur apostolique de Poitiers
Président de l’Observatoire Foi et Culture de la Conférence des évêques de France

 

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Commentaires

A toi la parole.

  1. Laurent says: janvier 10, 2012

    “Encore aujourd’hui, des hommes et des femmes disent qui est pour eux Jésus-Christ ; ils ont ou non la foi, mais ils reconnaissent en lui une des grandes figures de l’histoire de l’humanité. N’ont-ils donc pas le droit de parler de Jésus, même s’il n’est pas pour eux le Fils de Dieu, le Sauveur ? Même sans partager ce qu’ils expriment, on peut respecter leur opinion, on peut l’estimer avec intérêt, on peut même y entendre proposée une manière originale, belle, de parler du Christ.”

    Je n’avais pas vu les choses comme ça, mais en y réfléchissant, c’est très vrai !
    Merci pour cette explication !

  2. mille says: janvier 14, 2012

    En rentrant de la messe de minuit à la cathédrale de nancy, j’ai ouvert la télé, espérant voir “un bout de la “messe du Pape”; à ma surprise, j’ai découvert scotchée devant un spectacle de toute beauté, dont la seule indication était: le Messie de haendel’, je n’ai pu “quitter” qu’à la fin!!!!!!!!!!!!
    de fait, le lendemain, je suis revenue sur le ‘replay’ pour comprendre un peu plus, et …. je suis restée scotchée, pendant tout l’ensemble du ‘spectacle’, était-ce réalisé en réponse à cet “autre spectacle sur Jésus, je ne sais?
    Pourquoi, même un journal comme ‘la Vie”,que j’apprécie en général, ne l’pas mentionné dans son programme?!
    j’aime penser que c’est l’Esprit-Saint qui a voulu que j’ouvre la Télé, sur France 2, à 3 h du mat,’pas dans mes habitudes!) pour contempler le ‘Beau Visage du Christ!
    by!

  3. Vasilisa Lars says: mai 23, 2012

    Me voilà franchement enervée.Je viens de découvrir ce film (surtout à la deuxieme minute) : dailymotion.com/video/xpgwm9_nutelle-moi-une-derniere-fois-les-rois-de-la-suede_musik . Pourquoi font ils cela !?! Pourquoi moquer le Fils de Dieu de la sorte ? Quoi faire ?

    • Anne-Marie says: février 13, 2013

      Oh mon Dieu c’est juste inadmissible. Je te comprends moi aussi çà me répugnes tout çà. Je ne l’est pas regarder jusqu’au bout tellement çà me dégoûte. Bah ce qui faut faire c’est prier pour eux et ce dire qu’ils ne savent pas ce qu’ils font voilà c’est tout. On ne peut faire que çà.

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