En mission en entreprise : le Seigneur me conduit sur les frontières dans l’ordinaire

Depuis 5 mois, j’ai repris une activité professionnelle en lien avec ma formation initiale, et c’est là mon envoi en mission par la Xavière. Une religieuse qui travaille à l’informatique dans une entreprise industrielle, n’y a-t-il pas autre chose de plus urgent à faire pour le Royaume ? Laissez-moi vous partager aujourd’hui les signes – qui m’étonnent moi-même ! – que le Seigneur me conduit à cet endroit.

Le Seigneur est vraiment le Maître du Temps !

Il y a quelques mois, en février dernier, je vous partageais ce que la recherche d’emploi me faisait découvrir de la mission sous une autre facette. Mais c’est aussi le Seigneur qui s’est révélé à moi sous un jour nouveau : Il est vraiment le Dieu qui conduit et le Maître du Temps ! En effet, alors que j’étais arrivée au Canada en septembre, que l’obtention d’un permis de travail a pris beaucoup plus de temps que ce que j’imaginais, les entretiens avec les sociétés de service conseil en informatique se sont soudainement enchaînés à partir de début mars, mais dans des secteurs qui m’attiraient peu a priori et sans que les appels d’offre débouchent. Puis début avril, un mandat était à pourvoir dans une grande entreprise industrielle comme j’aime… L’entretien a eu lieu le Mardi Saint ! Il y a eu ensuite une réponse positive officieuse, mais sans date et sans certitude, suivie de plusieurs semaines d’attente. Le temps de m’ancrer dans la confiance que c’est vraiment le Seigneur qui me conduit et qui m’envoie, Il sait quand ce sera le bon lieu et le moment favorable, là où je pourrai être pour Lui avec mes goûts et mes talents. Effectivement : j’ai pu participer activement au déménagement de la communauté et à la visite annuelle de notre supérieure générale, et la semaine suivante, j’ai commencé ce mandat en Gestion du changement en informatique ! Cette parole de l’Écriture a résonné pour moi :

« Moi, le Seigneur, au temps voulu, j’agirai vite »
(Isaïe 60,22).

Me laisser accueillir

Et là, se repose la question : en quoi ce que je vis est missionnaire ?! D’autant que me voilà dans un immense open space où l’on ne voit personne, chacun étant enfermé dans une petite alvéole faite de trois murs d’1,5 m de haut. Je vous invite à aller voir cette vignette de Dilbert.com (la première) qui illustre parfaitement notre cadre de travail et mon état d’esprit (« Ils peuvent bien me faire travailler dans une petite boîte, mais ils ne peuvent pas écraser mon esprit »).

Peu de personnes s’arrêtent pour déjeuner, il n’y a pas de pauses café pour discuter : c’est bien différent du mode de socialisation que j’ai connu en France ! Et sur le plan purement professionnel, évidemment, j’ai tout à apprendre ou presque : l’organisation de l’entreprise, les personnes ressources, l’anglais professionnel, la méthodologie de gestion du changement telle qu’elle se pratique dans ce lieu… Il me faut d’abord accepter de me laisser accueillir, enseigner de nouvelles façons de faire et même d’être en relation. C’est déroutant, à tendance inconfortable. Je repense aux premiers jésuites qui sont venus évangéliser les nations amérindiennes ici au Canada : le contexte est bien différent, mais peut-être y a-t-il des points communs ! Je repense surtout à  l’envoi en mission des 72 disciples rapporté par Luc au chapitre 10 : Allez, en entrant dites « Paix à cette maison », mangez et buvez ce qu’on vous présentera, et annoncez-leur « le Royaume de Dieu est tout proche de vous ». Profondément, étonnamment, je me sens au bon endroit. Je crois que ma présence peut signifier à mes collègues que, oui, le Royaume de Dieu n’est pas aussi éloigné d’eux qu’ils peuvent le croire!

Dans l’entre-deux

© Juni

Ce travail me place aujourd’hui à deux titres sur une frontière, entre deux réalités :

Avec la gestion du changement, me voilà entre les informaticiens et les utilisateurs des systèmes informatiques, sans être complètement reconnue comme étant des leurs ni par les premiers, ni par les seconds, pourtant au service des uns et des autres. Comme chacun sait, ce n’est là encore pas confortable, cela tiraille. Mais je crois justement que c’est là que le Seigneur me place et me fait vivre mon charisme de xavière : pour faire le lien entre ce qui pourrait s’ignorer et s’éloigner, pour que de cet écartèlement puisse jaillir de la vie.

Par ailleurs, je suis contractuelle dans l’entreprise, et je partage des règles qui s’appliquent aux consultants. Or depuis deux mois, tous ou presque voient un terme mis de manière anticipée à leur contrat, du fait d’une crise financière et budgétaire, mais pas moi ! Ma chef me considère comme une interne, il ne reste quasiment plus que des internes à l’informatique, mais je ne suis pas interne pour autant. Cela m’évoque cet appel du Christ à être dans le monde, sans être du monde. Partager les réalités des uns et des autres pour les porter dans la prière, me laisser travailler par ces expériences par lesquelles le Seigneur me parle…

Et vous, quelles sont vos expériences au travail par lesquelles le Seigneur vous parle, se révèle à vous ou vous révèle à vous-mêmes de manière inattendue, différente ? 

Claire