Shabbat à Jérusalem
Pour ce nouvel épisode de Chronique de Terre Sainte, Charles nous fait découvrir la fête de shabbat avec la communauté juive de Jérusalem !
Dans un genre de salle polyvalente, relativement neutre et peu chaleureuse, une foule attentive est réunie en cercles concentriques. Au centre, une femme, châle de prière discret sur les épaules, explique le sens de la fête de Pourim (qui a eu lieu le dimanche 16 mars). Quelques mots seulement, et la bande de jeunes musiciens qui forment le premier cercle entonnent un psaume dont la mélodie évoque plus volontiers les Beatles que la tradition juive. Le rythme et l’élan vont crescendo, les doigts et les mains claquent. En contexte catho, on parlerait volontiers d’ambiance « chacha » ! Une heure durant, les chants et les petites méditations se succèdent, mêlant un peu d’anglais à l’hébreu pour aider les nombreux étrangers, juifs ou non, à mieux suivre la prière. La joie et une certaine exaltation sont de toute façon largement communicatives, et chacun se laisse danser pour le chant final du lekha dodi qui s’adresse au Shabbat comme à une bien-aimée. Légère pause dans le chant, les têtes s’inclinent, les portes s’ouvrent pour laisser entrer le shabbat, et la mélodie repart de plus belle. La prière est terminée et chacun peut rentrer en famille, chantant avec les anges le Shalom alekheim.
Le judaïsme contemporain, à l’image de celui du premier siècle, est une famille religieuse très riche et diversifiée dont Rabbi Ruth Gan Kagan et la Nava Tehila[i] représente le courant résolument libéral et ouvert à tous ceux qui souhaitent « expérimenter de variantes expressions de la vie spirituelle à la manière juive ». C’est en particulier pour cela que la pratique religieuse y est « non-coercicive ». Ce soir-là, on aperçoit deux religieuses catholiques dans l’assemblée tandis qu’un certain nombre des hommes présents ne portent pas la kippa !
Le rabbin Machlis[ii] représente une forme beaucoup plus traditionnelle, mais non moins accueillante, du judaïsme. Cet homme étonnant reçoit chez lui chaque vendredi soir pour le repas de shabbat les gens qui se présentent à sa porte. Après avoir célébré avec sa famille nombreuse, il remet le couvert dans la grande salle de sa yeshiva, tapissée de livre de la tradition juive, ouvre sa maison et accueille 10, 20, parfois 50 personnes d’un joyeux « shabbat shalom ». Entrecoupé des prières rituelles, c’est un vrai repas de fête qui s’ensuit, au cours duquel chacun est servi à sa place et invité à proposer dans la langue de son choix un petit enseignement en lien avec la parasha[iii]. Hommes et femmes sont ici séparés, et le plan de table provoque surprises et rencontres : jeunes juifs américains venus pour un an d’étude à Jérusalem, touristes coréens, jeunes cadres célibataires intégrés et vieux hassidim qui ont passé leur vie à étudier la Torah. On fait cependant essentiellement connaissance par les yeux : le plus clair du temps est passé à fredonner, chanter et écouter les petites prédications des uns et des autres.
Le tramway est déjà arrêté depuis longtemps lorsque se termine la soirée. Le shabbat est un vrai temps de pause dans la partie juive de Jérusalem. Quelle image fascinante pour un Européen de voir une ville s’arrêter : non pas mourir mais se reposer pendant presque 24h. « Ce temps passé à la maison est destiné à rendre la priorité à ceux qui sont proches » rappelle le rabbin Machlis, « et c’est pourquoi il est aussi vital de s’abstenir de se servir de nos portables, ordinateurs et télévisions. » Samedi soir cependant, la vie reprend : le tramway, les bars et les cafés sont pleins, et les magasins de chaussures eux-mêmes rouvrent leurs portes. Dans les rues, la foule mélange des bandes de jeunes qui vont faire la fête, des orthodoxes à nouveau vissés à leurs téléphones et portant des montagnes de sacs, des familles qui vont prendre un bus pour rentrer à la maison après avoir passé le shabbat dans la ville sainte. Je me dirige quant à moi vers un petit sous-sol où un groupe de hassidim virtuoses célèbre la fin de shabbat au son de la musique klezmer, – mais ce sera l’objet d’un prochain billet !
Charles
Chronique de Terre Sainte
Terre Sainte 2014
[iii] La parasha désigne la section de l’Écriture lue et étudiée par la communauté juive chaque semaine, en particulier dans les yeshivot, les écoles rabbiniques.
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A toi la parole.
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