Moine, une vie radicale assoiffée de bonheur et d’amour
Fr. Laurent est moine trappiste de l’Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle. Pour Jeunes Cathos blog, il parle de sa vocation.
Parler de sa vocation n’est jamais facile parce que c’est avant tout un mystère. Un appel de Dieu qui se veut très respectueux de notre liberté et qui est propre à chacun.
C’est donc par petites touches, par des signes discrets, des paroles entendues à l’improviste, de douces inspirations de l’Esprit, auxquelles on dit oui dans la foi, que le Seigneur nous donne de répondre à notre vocation. C’est par une succession de petits choix libres et personnels que le Seigneur nous mène là où nous devons être sans jamais s’imposer à nous. Là où nous serons mieux à même d’épanouir nos talents et de les faire fructifier.
Comment être heureux et réussir ma vie ?
Le souvenir de tel ou tel évènement de ma vie où il m’a été donné de me sentir proche de Dieu (vers l’âge de 8 et 15 ans essentiellement, même si j’étais loin d’être un bon pratiquant) et différentes circonstances du moment, comme le fait de m’occuper de jeunes en difficultés dans une association sportive, la découverte de certaines paroles des chansons de Jean-Jacques Goldman (A quoi tu sers ? Quelqu’un quelque part, C’est ta chance, Puisque tu pars…), une facilité à tomber amoureux, une timidité un peu trop excessive, etc. m’ont permis de me poser très tôt les questions essentielles : comment être heureux et réussir ma vie ?
Une vocation est une proposition venant du Seigneur à choisir telle ou telle voie afin de parvenir, avec les moyens qui nous sont les plus appropriés personnellement, au Bonheur. Cette vérité de foi était pour moi, par grâce, une certitude lorsque au moment de passer le bac, je me suis donc posé plus concrètement la question de mon avenir.
Vers la fin de ma première année d’études, toujours attiré par plus d’amour et de bonheur, je pris alors la décision de m’adresser au service des vocations de Paris parce que j’avais quelques connaissances qui étaient passés par la même école que la mienne et qui étaient entrées au séminaire. Et parce que je ne connaissais pas encore grand-chose des différents charismes présents dans l’Eglise.
Pourquoi la vie monastique ?
C’est au terme de l’année propédeutique (la première du séminaire) et plus spécialement au cours de la retraite des 30 jours de Saint Ignace que la vie monastique cistercienne est devenue pour moi plus évidente : plus de temps de prière, de solitude, de silence, de simplicité… Plus de radicalité dans les moyens choisis pour aller à Dieu. Parce qu’en fin de compte, un moine est un assoiffé de bonheur et d’amour, et pour parvenir à répondre à ce désir, il ressent le besoin d’aller directement à la Source en empruntant des moyens évangéliques radicaux.
Le choix de la communauté d’Aiguebelle a été aussi une collaboration entre le Seigneur et moi-même. En remettant ma vie dans la prière entre ses mains, je me suis donné quelques critères de choix : une communauté pas trop proche de Paris, avec des bâtiments où je me sentirais bien et me portant à la prière, avec un bon groupe d’anciens (dont je profiterais de la sagesse) et pas nécessairement de jeunes (un critère qui m’était pourtant conseillé)…
“Toutes les tâches vécus comme un moyen pour aller à Dieu”
Depuis, ma conception de ce qu’est la vie monastique a naturellement évolué : elle consiste fondamentalement à vivre la vie humaine le plus simplement possible. La vivre à présence de Dieu et pour Lui afin de mieux aimer mes frères. Mes tâches au sein de la communauté ne sont pas bien différentes de celles qui sont données à tout le monde : gérer en tant que webmaster le site internet, entretenir le « parc informatique », aider la communauté pour le chant, donner quelques cours au noviciat, effectuer quelques tâches de secrétariat et de ménage, etc… mais dans la vie monastique, toutes ces tâches sont vécus comme étant des moyens pour aller à Dieu, pour Le chercher, mieux le connaître et mieux L’aimer.
Me savoir aimé, cela seul suffit
Mes définitions du Bonheur et de l’Amour se sont aussi purifiées. Il ne s’agit pas de sentiments joyeux, puisque ce sont ceux qui pleurent qui sont heureux…, mais bien plus de me savoir en chemin vers le Seigneur dans la Vérité là où Il me veut. De me savoir aimé par Lui tel que je suis et malgré mes nombreuses faiblesses et blessures. D’entrer avec Lui dans une communion toujours plus profonde, ce qui me permet d’acquérir une paix intérieure de moins en moins troublée par les inévitables et nécessaires épreuves de la vie : Dieu m’aime et Il m’accueillera auprès de Lui dans la vie éternelle, cela seul suffit…
La seule chose qui compte, c’est d’aimer
M’est-il arrivé de douter de mon choix ? Bien entendu… J’ai même connu des moments d’épreuve où j’en arrivais presque à douter de l’existence de Dieu ou plus simplement de la nécessité des renoncements vécus dans la vie monastique. Et me connaissant, je savais très bien que malgré ces doutes, je resterai au monastère : j’allais donc rater ma vie jusqu’au bout et complétement… Mais le Seigneur m’a accordé la grâce de comprendre que la seule chose qui compte et que rend heureux, c’est d’aimer. Et cela, je peux le faire n’importe où et dans n’importe quelles circonstances. J’ai fait le choix de la vie monastique, j’y reste donc fidèle en utilisant au mieux les moyens qu’elle me donne pour progresser dans l’Amour.
Fr. Laurent, moine trappiste de l’Abbaye d’Aiguebelle, webmaster du site vie-monastique.com
Autres publications de Fr. Laurent :
Pourquoi Jésus est-il mort sur la Croix ?
Que signifie le Samedi Saint ?
Le vrai bonheur : accueillir la vie qui m’est donnée
Commentaires
A toi la parole.
je prends plaisir à lire , je ne suis plus jeune mais retraitée et laïque consacrée depuis longtemps . je prie pour les vocations .
C’est une bonne chose de brûler du désir de plus d’amour. Il me semble que l’engagement radical pour plus d’amour est ce vers lequel nous avons le bonheur de marcher, par ce que nous sommes aimés en premier lieu. C’est peut-être que là se joue le drame d’amour comme une vérité de l’ordre de don, d’un don donnant d’être, quand j’aime et me sais aimé, d’avance et sans mérite de ma part à ce niveau. Et là Celui que je me mets à suivre sans détour, sans retour, devient pour moi Celui qui me précède et qui jette dans le sol de mon coeur la semence de ce désir et amour pour Lui-même qui est “non pas point d’aboutissement et d’arrêt”, comme le disait un prêtre, “mais point d’appui, ce à partir de quoi toute chose dans une vie peut trouver à s’orienter, à recommencer…”
Mystère, mais aussi joie !