“Elle est musulmane, je suis catholique et nous prions ensemble”
L’Aīd al-Adha (العيد الكبير « la grande fête »), célébrée le 5 octobre, est pour les musulmans un grand jour de fête en famille, en commémoration du sacrifice d’Abraham. A cette occasion, l’association interreligieuse Coexister – Sciences Po a proposé une visite de la Grande Mosquée de Paris. Un temps de partage pour Pierre et Myriam, dont la foi, catholique pour l’un, musulmane pour l’autre, constitue le coeur de leur amitié.
Saint Coran, Sourate 5, verset 48 : “Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Dieu. Il vous éclairera, alors, au sujet de vos différends.”
Déclaration Nostra Aetate du Concile Vatican II, alinéa 3: “Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.”
Bâtir une société de paix
Myriam est musulmane, je suis catholique. Elle et moi faisons partie de la branche universitaire de l’association pour l’interreligieux « Coexister » à Sciences Po. Comme les autres membres de Coexister, nous avons rejoint ce groupe car nous partageons l’intuition – devrait-on dire la foi ? – qu’en France comme ailleurs, le vivre-ensemble requiert plus que jamais un réel dialogue entre croyants et non-croyants autant qu’entre les traditions religieuses elles-mêmes, pour combattre tout repli communautaire et bâtir une société véritablement en paix avec elle-même.
Rencontrer des “vrais” musulmans
Or à l’approche de l’Aïd al-Adha, avec le reste de l’équipe, nous sommes partis d’un constat. Dans quelques jours aura lieu une fête importante pour 10% de la population française. Bon nombre de nos amis respectifs prieront, se réuniront en famille pour partager un repas… mais que sait-on vraiment de ce qu’elle signifie ?
Voilà pourquoi jeudi dernier, nous avons monté avec les autres membres de l’association une visite de la Grande Mosquée de Paris un peu particulière.
La démarche n’était pas seulement culturelle. L’idée était d’aller, avant la fête à proprement parler, là où les fidèles viendront prier, en rencontrant l’imam qui les y aidera, de comprendre ce qu’ils célèbreront en donnant la parole non pas à des livres ou à Internet mais à un religieux au sein même son lieu de prédication.
L’Aïd al-Adha, une célébration de l’amour
Nous y avons appris par la bouche de l’imam que l’Aïd al-Adha est avant tout la célébration de l’amour de Dieu pour ceux qui Lui font confiance, suivant le modèle du prophète Abraham. A l’époque d’Abraham, la tradition coranique raconte que les religions polythéistes pratiquaient le sacrifice rituel d’animaux, mais aussi d’enfants.
Dieu, voulant tester la soumission de Son prophète à Sa parole, lui commanda de faire comme ceux que ne L’avaient pas encore reconnus : Il ordonna en songe à Abraham d’égorger son enfant. Après de nombreuses hésitations et ayant même obtenu l’accord de sa famille totalement fidèle à Dieu, Abraham obéit à Allah et essaya de sacrifier son fils. Alors Allah fit descendre du Ciel l’ange Gabriel portant un agneau, pour signifier à Abraham que son obéissance se devait d’être récompensée tout en lui apprenant que le respect total de la volonté de Dieu ne peut jamais aller à l’encontre de celui non moins total de toute vie humaine.
Célébrer une fois par an ce passage de l’histoire d’Abraham, c’est dire à Dieu que l’on se souvient de la promesse faite alors par son prophète de vivre selon Sa volonté, une histoire et une conclusion communes aux trois monothéismes (sourate 37 du Coran, Genèse 22, 1-19).
En communion avec les musulmans
Je ne suis pas musulman. Je crois au fond de mon cœur que Jésus est Fils de Dieu, ressuscité d’entre les morts pour nous sauver du péché. Pourtant, quel bonheur j’ai ressenti samedi soir à la messe, en pouvant enfin me représenter l’endroit où mes frères et concitoyens s’étaient eux aussi rassemblés aujourd’hui pour mettre, l’espace de quelques heures, Dieu au centre de leur vie et de leur attention, comme les catholiques à la messe et comme tout croyant qui pratique sa foi.
J’ai pu prier pour eux en me rappelant les paroles de l’imam, les mêmes – ou presque ! – qu’il avait sûrement prononcées plus tôt dans la journée. J’ai pu me sentir vraiment proche d’eux car j’ai été accueilli dans un lieu où je ne serais pas forcément entré si Myriam n’avait pas monté ce projet, ne nous avait pas invités à rencontrer sa foi là où les fidèles musulmans la font vivre, en plein cœur de Paris.
Tous ceux qui ont participé à cette visite m’ont dit avoir vécu une expérience dont ils se souviendront, y compris ceux qui ne croient pas en Dieu mais qui se sentent animés d’une curiosité forte à l’égard de ces croyances et religions qu’on ne peut craindre que si l’on ne fait aucun effort pour les connaître.
Partage de notre foi en un dialogue de vérité
Myriam est musulmane, je suis catholique. Pourtant ce week-end, je sais que nous avons prié l’un pour l’autre et que cette visite restera dans nos mémoires comme un moment de réel partage, au-delà de la simple formation intellectuelle sur une fête, qu’une démarche personnelle et solitaire nous aurait aussi fournie.
Lundi prochain, nous visiterons l’Eglise copte de Villejuif avec le prêtre de la paroisse. Myriam, bien sûr, sera de la partie, comme beaucoup de ceux qui partagent notre foi en un dialogue de vérité, à Sciences Po et à Paris.
Coexister : faire grandir la confiance entre les communautés
Dans toute la France et en Europe, ce genre d’initiatives se développe grâce aux groupes Coexister qui se forment et grandissent année après année. Puisse dans nos cœurs grandir aussi le réel souci de l’Autre, de celles et de ceux qui vivent à côté de nous mais qui nous semblent parfois si loin. C’est peut-être aussi cela le message de l’Aïd, celui qui peut nous toucher à notre tour, nous jeunes catholiques : l’invitation à faire confiance à Dieu, une confiance absolue, suffisamment forte en tout cas pour oser sortir de nos communautés sans crainte de nous perdre en chemin et d’aller à la rencontre de nos frères et de nos sœurs qui trouvent dans la prière quotidienne la nourriture spirituelle, le pain quotidien dont nous avons tous besoin.
Pierre, 20 ans et Myriam, 19 ans
Voir aussi :
Page Facebook de l’Association Coexister
La vision chrétiens des relations entre chrétiens et musulmans, par le Cardinal Jean-Louis Tauran, le 14 septembre à Versailles
Coexister sur Jeunes Cathos blog
Commentaires
A toi la parole.
vs avez oublié d inviter d autre religion protestant boudiste et etc bcp d commentaire sur c faite d incomprhension l islam est le seul invité pk
Très beau témoignage de paix,d’amour,de tolérance et d’acceptation des différences rites et religieux :-).
Très beau témoignage de confraternité entre deux religions si différentes