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Comédies romantiques : un genre usé ?

Publié par jeunescathos le 20 mai 2015 - A la Une, Culture & Médias

Alors que le Festival de Cannes bat son plein, Marc Rastoin s.j. revient sur deux comédies romantiques sorties sur nos écrans en ce mois de mai : « Un peu, beaucoup… aveuglément » et « Girls only », qui en disent long sur notre jeunesse, tel un “selfie” de notre temps.

Quelque chose de bon peut-il sortir d’une comédie romantique ?

Un genre usé ?

A priori le genre convenu de la ‘comédie romantique’ parait usé jusqu’à la corde et l’on peut se demander ce que l’on peut en retirer. Deux comédies récentes, une française et une américaine, constituent cependant des variations assez originales et instructives.

Deux principes de base régissent le genre : deux personnages que tout sépare au premier abord et une dose raisonnable de surprises avant un happy end en bouquet final. En pratique, le genre est trop souvent menacé par le côté totalement prévisible de l’intrigue (s’essoufflant au bout de 20 minutes), des péripéties invraisemblables et aussi souvent – reconnaissons-le – par un côté lourd et vulgaire qui finit par fatiguer le spectateur même bienveillant. Une comédie romantique réussie concilie une vraie dimension comique avec une intrigue qui permet de donner peu à peu de l’épaisseur aux personnages principaux (et si possibles secondaires !).

Le pouvoir des mots

Un peu beaucoup aveuglement - extrait cloisonCommençons par la comédie française : « Un peu, beaucoup… aveuglément » de et avec Clovis Cornillac, prouve que les Français aussi savent faire des comédies romantiques originales ! Une bonne intrigue toute simple avec deux personnages enfermés dans leur monde qui vont peu à peu apprendre à s’ouvrir.

Le fait que durant tout le film les deux héros communiquent à travers une cloison est une idée originale et qui est maitrisée jusqu’au bout.

Sur quoi est basé le film ? Sur deux fondements anthropologiques qui consonent tout à fait avec la vision biblique et chrétienne du couple.

Primo : Au commencement est la parole. Une relation a plus de chances de durer si elle débute par de longs échanges intimes partageant les rêves et les angoisses, les désirs et les peines, que par l’échange des corps. Il faut mettre les mots avant les corps. Se crée ainsi une communion qui n’est pas factice.

Deuxio : La place des amis. Les amis sont importants : De vrais amis, de ceux qui ont le courage de risquer une parole vraie (au risque de se prendre une baffe ou un plateau sur la figure !) quand ils voient que leur ami a la tête dans le sac… Les deux acteurs principaux jouent juste. Il y a juste un petit problème avec la deuxième actrice principale. On se demande à chaque fois qu’elle apparait : « mais quelle mouche a donc piqué les gens du casting de l’avoir prise, elle ?! ». Le générique de fin apporte la réponse : elle est limpide : 1 c’est elle qui a eu l’idée du film et 2… Dans la vie, elle est la femme de l’acteur et réalisateur ! Bon, à ce détail près, un film léger, drôle, sans prétentions qui fait passer un bon moment.

Dur d’être adulte

affiche Girls onlyLa comédie américaine est “Laggies” de Lynn Shelton. Elle s’appelle bizarrement en français du titre assez creux : « Girls only ». Ce qui amène cette question annexe : Mais pourquoi diable faut-il maintenant traduire des titres anglais en français par d’autres titres anglais! (on se souvient par exemple de « Up in the Air » devenu en français « In the Air » !).

Ce film porté par Keira Knightley et Chloe Grace Moretz, est plutôt efficace. Ce qui est très intéressant est la façon dont il illustre magistralement les hypothèses sociologiques sur l’évolution des “jeunes adultes” dans les sociétés occidentales contemporaines. Bien sûr le cadre est américain mais on peut assez facilement transposer.

En deux mots, on constate que beaucoup de 18/35 ans se cherchent longtemps, ont du mal à savoir ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent dans la vie. Ils cherchent souvent à retarder le moment des choix définitifs qui semblent clôturer le futur : ‘j’aimerais bien faire une expérience à Londres ou à Shanghai’. ‘Ne suis-je pas trop jeune pour me marier ?’

Beaucoup ont du mal à accepter l’idée de l’engagement, de la restriction des possibles avec ce que cela implique de choix et de contraintes. C’est si agréable de rester avec son groupe de copains d’universités (ou de lycée) avec des relations floues peu définies : garder devant soi la possibilité d’aller à l’étranger ou de changer de ville.

Mais il ne s’agit pas de culpabiliser ces personnes : elles sont le fruit de toute une culture globale qui reporte sans cesse les seuils de l’âge adulte. Il y a beaucoup de détresse et de mal-être derrière des comportements parfois franchement régressifs. Beaucoup ont du mal à trouver un job ou un logement et c’est si humiliant d’avoir un diplôme universitaire et ne pas réussir à trouver un job et à être indépendant : comment s’engager envers autrui si on n’a ni job ni appart ?

Deux facteurs se conjuguent donc pour rendre la décision difficile : d’une part, les grandes étapes d’initiation des époques précédentes (armée, diplôme obtenu plus jeune, éducation stricte où les priorités – se marier et avoir une famille – étaient non discutées) sont inexistantes ou peu présentes et d’autre part un report général de la majorité sociale pour ainsi dire, la capacité d’avoir un travail avec un salaire décent et d’avoir fini ses études. Bref, tout prend plus de temps : savoir qui l’on est et se sentir membre adulte de la société. « Girls only » nous décrit en raccourci et sur quelques jours les sentiments d’une jeune femme de 28 ans qui se sent « flotter » et qui se retrouve engagé avec son boy-friend de lycée sans l’avoir jamais vraiment décidé. Que décidera-t-elle finalement ? On le devine assez vite mais ce qui est bien vu c’est le moyen par lequel elle va y parvenir.

Un selfie de notre temps

Ces comédies sont comme un selfie de notre temps et de ses comportements amoureux. Elles en disent long à la fois sur nos valeurs, nos rêves et nos préjugés. Prendre un petit temps de recul pour les relire à la lumière de notre foi n’est pas du temps perdu. Et si en plus on a bien ri, tant mieux !

Marc Rastoin

 

Marc Rastoin s.j.

 

 

 

Voir aussi :
La tête haute, film d’ouverture du Festival de Cannes 2015
Jury oecuménique à Cannes
De retour du Festival de Cannes 2014

 

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Commentaires

A toi la parole.

  1. Gigi says: juin 4, 2018

    adapter au cinéma une oeuvre de théâtre

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