Saint-Jacques et la Providence

Hélène, 23 ans, a décidé avec quelques amis d’aller marcher sur les chemins de st Jacques. Avec cependant une originalité : se rendre sur leur lieu de départ en stop, sans argent, en demandant l’hospitalité et le couvert afin de favoriser la rencontre. Cela a donné lieu à des moments de partage exceptionnels. Récit en images.

Avec quelques amis, nous avons décidé de partir en stop depuis Paris, et de vivre la Providence durant trois jours, dans le but de rejoindre Figeac, lieu de départ de notre marche. Puis nous avons prévu de marcher 100 km pour rejoindre Cahors, par la superbe Vallée du Célé.

Partir sans argent

Nous sommes partis sans argent, nous souhaitions partager notre repas avec ceux que nous rencontrons. Nous demandions aussi l’hospitalité pour la nuit. Nous avons pris la route, le cœur empli de la parole de Dieu :

C’est pourquoi je vous dis : Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.  Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux. Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ? Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?” Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. (Matthieu 6, 25-34)

Nous partons avec un petit sac plein de médailles miraculeuses, nous en remettons à chaque personne rencontrée.

Les moments forts de notre périple en stop

Après la messe à Paris, en guise de messe d’envoi, il est temps pour Anne-Claire, Jean-Gabriel et moi, de trouver un repas pour ce midi avant de commencer le stop. Nous nous dirigeons vers le sud de Paris, et demandons aux personnes que nous croisons, s’ils accepteraient de partager leur repas de ce midi avec nous. Pas facile, vraiment dans cette capitale où tout le monde court, n’a pas le temps de prendre le temps. Enfin nous abordons un jeune couple qui semble revenir du marché, ils sont d’accord pour nous inviter chez eux! Nous passons près d’une heure à préparer le repas ensemble. Grand moment de convivialité et de discussions autour des habitudes des français, chez ce couple franco-tchèque. Nous ne commençons le stop qu’à 16h, il va falloir prier pour que nous trouvions facilement des voitures pour arriver à Bourges avant la nuit!

Jean-Gabriel, qui n’avait jamais fait de stop, lève le pouce avec une certaine appréhension. 30 min plus tard, une Jaguar s’arrête! Non, non mon cher Jean-Gab’, tu ne rêves pas, notre voyage commence bien !

Trois voitures plus tard, nous voici dans le centre de Bourges. La Providence prend soin de nous, et met sur notre chemin un couple de jeunes retraités qui accepte avec joie de nous inviter chez eux. Pendant que le monsieur sort ses apéritifs, la dame prépare le repas, nous sommes très bien reçus. Peu à peu, la glace se brise, nous parlons de notre projet, de nos vies, de nos études, Jean-Gabriel qui se pose la question de la prêtrise, interpelle toujours, et cela est l’occasion une fois de plus de parler de notre foi et de celle de nos hôtes aussi. Le couple nous propose même une petite balade nocturne, pour nous faire découvrir Bourges. Oui nous avons créé une belle amitié.

Discussions sur l’Eglise

Durant ces trois jours de stop, nous avons été touchés par nos discussions sur l’Église. Beaucoup de personnes rencontrées nous ont partagé leur blessures sur la vie de l’Église, leur interrogations, leurs doutes. A quoi ressemblera l’Église de demain ? Qu’avons nous fait des valeurs de l’Église d’hier ?

Trois jours d’abandon

Nous avons pris conscience que la Providence prend soin de nous, nous « chouchoute » à chaque instant de notre Vie. Mais nous courons sans cesse, nous tentons de maîtriser nos vies. Lors de ces trois jours d’abandon complet, nous avons goûté à la tendresse de Dieu pour ses enfants.

Les moments forts de notre marche

A Figeac, nous retrouvons le couple d’amis Marie et Matthieu qui sont eux aussi arrivés en stop, ainsi qu’Élise et Alyette qui nous rejoignent pour marcher durant 5 jours jusque Cahors.

Nous arrivons à sept, dans le gîte « d’Antoine le pèlerin », attablés avec une dizaine d’autres pèlerins de St Jacques, épuisés de leur journée de marche. Les discussions vont bon train jusque 1h du matin. Nous découvrons cette ambiance, où chacun venu des 4 coins de  France, ou du monde, se retrouve autour de l’essentiel. La marche, l’abandon, la pauvreté, la rencontre, la recherche de Dieu. Chacun a sa propre raison de marcher jusque Saint-Jacques. Ce soir là, il y a notamment Jean-Philippe et ses grigris indiens, Albane et Antoine, deux jeunes qui ont soif d’aventures, Éloïse et son compagnon, au chômage, qui marchent et après ils verront bien…

De grands moments d’amitié

Nous marchons à sept, et sur les chemins nous vivons de très grands moments d’amitié : prières, rencontres de pèlerins, petits tracas quotidiens, grandes confidences…

La rencontre qui nous a tous bouleversés, nous la faisons lors de notre première étape. Arrivés à Espagnac Sainte-Eulalie, superbe petit village du Lot, nous espérons dormir dans un abri de pèlerins comme la veille, mais en vain, tout est complet. Après une petite baignade dans le Lot, le maire du village nous invite à déguerpir rapidement de son village, ce qui nous pousse à dormir à la belle étoile dans un champ un  peu plus loin. Là, se trouvent aussi Jean-Philippe, Albane et Antoine, rencontrés la veille. Ils ont croisé sur leur chemin, trois jeunes hommes. Cyril, Médy et Jérémie, accompagnés de leur chien. Nous les rejoignons autour du feu qu’ils ont fait pour se réchauffer et avec notre guitare, nous entonnons des chants.

Une rencontre qui nous a bouleversés

Ces trois gars ont chacun un joint à la main, une bière dans l’autre, portent un vieux tee-shirt, pas lavé depuis des semaines… Ils ne connaissent pas les chants scouts que nous lançons, on passe alors aux classiques français. La mayonnaise prend ! On leur apprend ensuite « Ultréïa », le chant des marcheurs de Saint-Jacques. Le lendemain, nous sommes attendus pour animer une soirée louange à Marcillac-sur Célé, avec le père Guillaume, qui tente de redonner un coup de neuf à son abbaye. Nous les invitons, ils seront là, nous promettent-ils.

Nous ne les croisons pas sur la route le lendemain, étrange. Arrivés à Marcillac, pleins de sueur, nous les retrouvons attablés en terrasse, ils ont fait la descente en canoë, plus rapide et plus reposant que la marche !

Ultreia !

Dans l’abbaye de Marcillac, le Sacré-Cœur de Jésus trône sur l’autel, nos chants de louange résonnent dans ces vieilles pierres, et là, nos fidèles compagnons de route arrivent, dans le cœur de l’autel et chantent avec nous ! Nos cœurs bondissent de Joie ! Nous chantons « Ultréïa » apprit ensemble la veille. Ils sont heureux, ils vivent eux aussi un moment de foi.

Nous les revoyons plusieurs fois les jours suivants, nous discutons philosophie, foi, grandes questions métaphysiques… Nous les quittons en leur offrant nos petites médailles miraculeuses, et aussi un Nouveau Testament.

Oui, nous avons vraiment eu l’impression de répondre à l’appel du pape François : « N’ayez pas peur d’aller, et de porter le Christ en tout milieu, jusqu’aux périphéries existentielles, également à celui qui semble plus loin, plus indifférent ».

Un fort moment de grâce

Ce que je retiens de cette expérience, ce sont les moments forts de la marche, la rencontre avec les trois garçons m’a bouleversée. A première vue, j’ai eu peur d’eux. Mais ils nous apporté tellement de joie dans leurs questionnements, nos différences, dans leur soif de découvrir l’essentiel.

A sept, nous avons aussi partagé des moments forts, fraternels. Tous les matins, nous priions les laudes et le soir les complies. Grands moments de grâces dans un groupe d’amis.

Nous abandonner à la Providence a été aussi un beau cadeau, apprendre à y goûter pendant la marche a été relativement facile, nos cœurs y étaient disposés. Nous rentrons chez nous, avec ce désir de se laisser « chouchouter » par Dieu tous les jours de nos vies.

Hélène, 23 ans, en 6ème année de médecine à Lille, avec Anne-Claire, Jean-Gabriel, Marie et Matthieu, Élise, Alyette

Nos étapes

Stop :
1ère étape : Paris-Bourges.
2e étape : Bourges-Massiac
3e étape : Massiac-Figeac.

Marche :
1ère étape : Figeac-Espagnac Sainte-Eulalie
2e étape : Espagnac-Marcillac sur Célé
3e étape : Marcillac-Bouzies
4e étape : Bouziès-Cahors.