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Le pape, le foot et moi : sa grande gueule et mes petits bras #5

Publié par jeunescathos le 9 juin 2016 - A la Une, Société

visuel rubrique societeTous les mois, retrouvez un sujet de société ou d’actualité, traité sous l’angle de la Doctrine sociale de l’Eglise, sous l’oeil bienveillant et plein de finesse de Martin de Lalaubie, journaliste au Ceras et réalisateur de Jeunes et engagés.

 

 

« Le sport est harmonie s’il ne succombe pas à l’argent. », le pape François aux délégués olympiques européens (2013).

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Le pape aime le sport. Moins l’argent. L’argent pour lui-même en tout cas. Il suffit de feuilleter Evangelii Gaudium pour le vérifier : « L’argent doit servir et non pas gouverner. » Ou de lire son discours prononcé à Santa-Cruz : « Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, on sent l’odeur de ce que Basile de Césarée – l’un des premiers théologiens de l’Église – appelait “le fumier du diable” ; le désir sans retenue de l’argent qui commande. »

Le pape aime le sport !

Quant au sport, c’est moins du côté des textes que de ses visites qu’il faut regarder pour s’en assurer. Depuis son installation à Rome, un bon nombre de sportifs sont venus rendre visite au pape. Dernièrement, c’est la délégation autrichienne de ski alpin qui est passée par les salons du Vatican. L’occasion pour François de rappeler son attachement aux valeurs du sport : « engagement, persévérance, détermination, fair-play, solidarité, et esprit d’équipe. Par votre exemple vous contribuez à la formation de la société, vous êtes des modèles pour de nombreux jeunes. » Recevoir des skieurs est aussi l’occasion d’adresser un petit clin d’oeil à Jean-Paul II, grand amateur de montagne et qui, même cardinal, continuait à travailler son planter du bâton.

Passionné de football

François, si on doit le mettre dans une case, c’est plutôt dans celle des footeux. Grand amateur du ballon rond, si en devenant pape il abandonna son archevêché à Buenos Aires, il ne délaissa pas pour autant les couleurs de San Lorenzo, son équipe favorite. Fondée par un prêtre en 1908, c’est avant tout une histoire de famille : « Mon père jouait dans l’équipe de basket. Et quand nous étions enfants, on allait avec maman au Gasómetro (l’ancien stade du club, ndlr). […] San Lorenzo, fait partie de mon identité culturelle. »

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Le pape François montre son maillot de San Lorenzo.

 

Un miracle ?

C’est d’ailleurs seulement quelques jours après son élection, que cette équipe gagne pour la première fois la Copa Libertadores, l’équivalent de la Ligue des Champions pour le continent sud-américain. Doit-on y voir un miracle de cause à effet ? Le pape dément «Je le vis avec joie mais ce n’est pas un miracle, non ! », mais rien ne vous empêche d’y croire !

Les scandales dans le sport

Mais dans le sport, tout ne se résume pas aux valeurs dont parle le pape. C’est peut-être pour ça qu’il prend la peine de les rappeler ! Les scandales émaillent cette discipline, avec en premier exemple les cas de dopages à en devenir litanie. Depuis 1997, tous les vainqueurs du Tour de France ont été accusés ou soupçonnés de dopage. Après de nouvelles analyses, 23 nouveaux cas de dopage au JO de Londres ont été révélé. A Sotchi, pour les JO d’hivers, un système de dopage aurait été supervisé par les autorités russes à destination des leurs champions… Ne voir dans ces tricheries que la motivation de l’appât du gain serait surement réducteur. Mais quand la triche s’organise, qu’elle devient système, on prend conscience que pour une nation, être sur la première marche du podium peut devenir une stratégie géopolitique.

Le business du sport

Il y aurait donc une question d’échelle. A partir d’une certaine dimension, lorsqu’il y a du sport quelque part, les ambitions économiques, voire financières, ne sont pas loin. Prenons le cas de Brésil, qui accueille dans deux mois les Jeux Olympiques et qui a organisé il y a bientôt deux ans, la Coupe du Monde de foot. Qui a engrangé les bénéfices d’un des plus grands évènements sportifs planétaire ? Les Brésiliens ? Non. Le Brésil ? Si peu. La Fifa ? Tellement ! L’étude menée par l’ONG Solidar Suisse est sans concession. Une facture de 13,3 milliards de dollar pour le contribuable brésilien. Environ 3 milliards de bénéfice pour la Fifa, association à but non lucratif, rappelons-le.

Début juin, le pape François demande à Gianni Infantino, président de la Fifa en visite au Vatican, de ramener «ordre et honnêteté».

Début juin, le pape François demande à Gianni Infantino, président de la Fifa en visite au Vatican, de ramener «ordre et honnêteté».

Quel respect des plus pauvres ?

Rio, Santa-Cruz, c’est 2497 km. Un peu trop pour que le discours du pape porte jusqu’aux oreilles des responsables politiques cariocas. « Une terre, un toit, un travail », le minimum vital pour toute personne selon François, sonne dans le vide face aux expulsions massives, aux quartiers populaires rasés pour y installer de grands complexes hôteliers. « Le cadre qui nous entoure influe sur notre manière de voir la vie, de sentir et d’agir », nous dit le pape dans Laudato si’. Les dominants l’ont bien compris et ne lésinent pas sur les moyens quand il s’agit de s’installer dans la baie de Rio.

Pendant les travaux pour les JO, onze hommes sont morts sur les chantiers s’alarme l’inspection du travail de l’Etat régional de Rio. Tombé d’un escalier, la tête écrasée par un camion ou fouetté par un câble d’air comprimée… Une équipe de foot en moins ! Apparemment, face à Neymar, Thiago Silva ou Dani Alves, la vie de certains vaut si peu.

Les ambitions en France

Mais il ne faudrait pas que regarder si loin nous empêche de voir ce qui se passe chez nous. En ce moment, deux projets de complexes sportifs soulèvent le mécontentement de certains. Le centre d’entraînement du PSG étant trop étroite pour ses ambitions, l’entreprise qatarie lorgne sur la petite ville de Grignon. Plus précisément sur le château Louis XIII et ses dépendances où est actuellement installée l’école d’ingénieur AgroParisTech qui déménagera en 2020 sur le plateau de Saclay. Patrimoine historique, scientifique, naturel, géologique… « La disparition d’une culture peut être aussi grave ou plus grave que la disparition d’une espèce animale ou végétale », affirme le pape dans Laudato si’.

Et le second est un lieu à terre battue rouge sur laquelle rebondit une balle jaune. Depuis près de cinq années, la Fédération française de tennis rêve d’agrandir le stade de Roland Garros. Pour ceci, elle a en ligne de mire les serres d’Auteuil, jardin botanique inscrit à l’inventaire des Monuments historiques. Une partie des serres, dont certaines rassemblent une collection de plantes rarissimes, serait détruite et une autre déplacée. « Même les fleurs des champs et les oiseaux […] sont maintenant remplis de [la] présence lumineuse [de Dieu.] » (Pape François).

Le maillon faible du sport-business

Je suis loin d’être le dernier à vibrer devant une finale de Roland Garros, un 100m ou un match de l’équipe de France. Je ne nie pas non plus l’importance du sport pour un pays, tant dans son développement économique que dans son pouvoir fédérateur d’un peuple. Mais c’est le processus qui blesse. Et quand le sport se confond avec le business, pas besoin de bookmaker, ce sont souvent les mêmes qui perdent. Les pauvres.

Martin de Lalaubie


Martin de Lalaubie
Journaliste au Ceras
Réalisateur de Jeunes et engagés

 

 

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