Jonathan, 29 ans, de l’aumônerie des gitans : “Vivre aux JMJ la dimension universelle de l’Eglise”
Un groupe de jeunes de l’aumônerie catholique des gitans et des gens du voyage s’associe au groupe du diocèse de Strasbourg pour se rendre aux JMJ, dans la continuité de ce qui avait déjà été vécu à Madrid en 2011.
Jonathan Visse, 29 ans, est l’adjoint national de l’aumônerie des gitans et responsable de l’animation des jeunes pour les pèlerinages nationaux (Saintes et Lourdes).
Quand on a su que les JMJ étaient en Pologne, nous avons voulu créer un groupe de jeunes voyageurs. Il y a des enjeux importants car notre histoire est particulière, on est souvent tenus en marge, avec des difficultés à créer des liens. C’est une occasion de vivre la dimension universelle de l’Eglise. C’est pourquoi c’était important pour nous de partir avec un diocèse pour ne pas vivre les JMJ uniquement entre nous mais avec les « gadje ».
A la fois, le fait de partir ensemble rassure les uns et les autres. Nous sommes de Lyon, Mâcon, Mulhouse, Angoulême… Pour certains, c’est le premier voyage sans la famille (dans notre culture, on reste chez nos parents tant qu’on n’est pas marié). Ce sera important qu’on ait des temps entre nous pour que les jeunes se sentent à l’aise avec les autres. Peut-être au début ils n’oseront pas parler.
Une foi vivante et concrète
La foi est vivante et très ancrée chez les tsiganes, chevillée au corps. Il y a actuellement une forte pression de l’Eglise évangélique chez les gens du voyage. Les JMJ étaient une opportunité à saisir pour vivre cette dimension universelle de l’Eglise, exprimer notre foi et prendre conscience que notre Eglise catholique est vivante.
Personnellement, j’ai été baptisé à 9 ans avec mes sept frères et soeurs, ma famille n’était pas très pratiquante mais nous avons alors ensuite commencé à faire les pèlerinages des gens du voyage, à Saintes, à Lourdes. A 18 ans, j’ai vécu une expérience particulière de rencontre personnelle avec le Christ. A l’époque je ne savais pas trop lire, je n’avais pas beaucoup été à l’école. Je voulais comprendre la Parole de Dieu, répondre à l’appel que je ressentais à Le rencontrer davantage. J’ai fini d’apprendre seul à lire à travers la Bible, Jean-Paul II, Benoît XVI…
Ne pas avoir peur d’apprendre à se connaître
J’attends de ces JMJ de la joie, de la prière, de partager avec d’autres. En tant que voyageur, regarder l’autre pour ce qu’il est et non pour l’image qu’il véhicule. Ne pas avoir peur mais apprendre à se connaître, « la liberté commence là où l’ignorance finit ».
Souvent les gens ne comprennent pas pourquoi on continue d’être nomade. J’ai une fois entendu « Vous êtes les derniers porteurs des origines de l’humanité ». Dans un monde sédentaire, d’écrit, qui va très vite, nous sommes encore dans la tradition orale, à bouger, à partir. L’être humain porte en lui-même ce besoin de partir, de liberté, de simplicité. Nous, c’est notre mode de vie. Nous sommes une minorité qui vivons différemment du reste du monde. Cette différence, je ne la comprends pas toujours moi-même, mais je la vis. Je ne sais pas pourquoi j’ai besoin de partir sur les routes. Mais c’est vital. C’est une souffrance d’être regardé avec méfiance, incompréhension. Même en Eglise, il y a des choses qui blessent. Mais cela fait partie de ma vie.
Les voyageurs sont une richesse
Les voyageurs sont en France depuis six siècles. Je suis complètement Français et je me sens comme tel. Je tiens à aller voter. J’ai été élevé en Charentes et en Dordogne. Nous avons nos façons de faire, une manière d’expression plus orale, mais nous sommes Français. Les voyageurs sont une richesse. Je crois qu’on peut s’ouvrir aux autres si on a conscience de qui on est. Un arbre peut donner de l’ombre s’il a de bonnes racines.
Un temps de mémoire pour les tsiganes
Les JMJ seront aussi pour nous l’occasion de vivre un temps de mémoire. Dans les procès, il n’a jamais été question des tsiganes mais nous avons vécu le même génocide que les Juifs. C’est d’ailleurs pendant la seconde guerre mondiale que l’aumônerie des gens du voyage est née, avec le père Fleury. Des gens de ma famille sont morts au camp d’internement d’Angoulême, qui a existé jusqu’en été 1946 alors que la ville avait été libérée en 1944. Nous continuons à nous battre pour la reconnaissance de ces camps d’internement français.
Propos de Jonathan Visse, reccueillis par Marie Benêteau
Commentaires
A toi la parole.
Il n'y a pas encore de commentaire.