Sœur Marie-Noël : choisir l’abbaye, c’est “entrer dans la vie” !
Quel parcours jusqu’à l’engagement définitif dans une communauté religieuse ? Sœur Marie-Noël a prononcé ses vœux perpétuels le 11 décembre dernier en l’abbaye bénédictine de Maumont (Charente), entourée de ses 54 sœurs religieuses. Elle nous en dit plus sur son cheminement, depuis son enfance jusqu’à son entrée au monastère.
Jean-Baptiste (pour RCF Charente-Maritime) : Sœur Marie-Noël, est-ce que vous pouvez, en quelques mots, vous présenter ?
Sœur Marie-Noël : Je suis née en Vendée à La-Roche-sur-Yon. J’ai vécu une grande partie de ma vie à Châtellerault, dans la Vienne. Je fais partie d’une famille chrétienne et mes parents sont salésiens, c’est-à-dire qu’ils essaient de vivre selon la spiritualité de saint François de Sales. J’ai cinq frères. Je suis la quatrième de cette fratrie. Sinon, j’ai été professeur des écoles pendant deux ans et je m’occupais plutôt des élèves de CE2, CM1 et CM2. Et puis, ce qui m’a beaucoup portée aussi avant mon entrée au monastère, c’est que j’ai fait beaucoup de scoutisme : j’ai été guide et puis j’ai été cheftaine et j’ai fini par être formatrice de chefs.
Jean-Baptiste : Pourquoi êtes-vous entrée dans une abbaye, est-ce qu’il y a eu une circonstance particulière, un appel qui vous a amenée à faire ce pas ?
Sœur Marie-Noël : En fait, l’appel je l’ai reçu très tôt, puisque j’avais 9 ans quand le Seigneur m’a appelée dans des circonstances bien précises. C’était la semaine des missions, des sœurs missionnaires sont venues témoigner dans mon école et dans ma paroisse, et ces missionnaires sont venues coucher chez mes parents. L’une des ces religieuses couchait même dans ma chambre. Quand les religieuses sont parties, j’ai dit à maman qui était en train de refaire mon lit : «Plus tard, je serai religieuse». Alors sur le coup, elle n’y a pas trop cru, et puis comme ça revenait régulièrement, elle m’a invitée à aller passer des vacances dans un monastère ; c’est comme ça que tout a commencé. On peut se dire : pourquoi la vie de prière, alors que ce sont des missionnaires qui ont éveillé mon appel ? Le premier élan de mon cœur a été de dire, «Je serai missionnaire» et en fait très vite, c’est la vie de prière qui m’a attirée, et dans mon cœur, j’ai vraiment senti le désir de donner tout mon être avec son corps au Seigneur. Et puis après, avec l’adolescence, j’ai un peu perdu ça de vue. Il y avait bien un appel très pressant à cette époque, mais que les circonstances ont refoulé. Mais Dieu est patient, il a attendu le bon moment pour me rappeler mon propre désir. Après avoir fait les exercices de saint Ignace pour discerner, je suis entrée à l’âge de 28 ans au monastère de Maumont.
Jean-Baptiste : Pourquoi êtes-vous entrée à Maumont ? Vous êtes peut-être allée dans d’autres abbayes ?
Sœur Marie-Noël : Pourquoi Maumont, ça je ne saurais pas vraiment dire. Il y a un ami qui m’a fait connaître Maumont, et tout à coup mon cœur s’est trouvé pris. Effectivement, je suis allée voir dans d’autres monastères après avoir connu Maumont. Il y a notamment une carmélite qui m’a dit : «Je sens que votre cœur est à Maumont». Pour moi ça a été vraiment une confirmation que quelqu’un chez qui je venais voir si j’aurais pu rentrer me dise : «Mais non, mais votre cœur est déjà à Maumont». Pour moi, ça a été vraiment la confirmation.
Jean-Baptiste : Depuis l’âge de 28 ans, vous êtes à l’abbaye. Je suppose que c’est quand même un cheminement. Avant de faire cet engagement définitif, il y a peu des phases différentes. A certains moments, on peut avoir des doutes : est-ce que c’est ma voie de continuer dans cette abbaye ?
Sœur Marie-Noël : Mon chemin est vraiment passé par le combat. Oui, il y a eu des moments pas faciles. Pour moi, c’est une question d’entrer dans la vie en fait. Si je m’engage aujourd’hui définitivement dans cette voie, c’est parce que je reconnais que c’est pour moi un chemin de vie, et ça c’est important. Du coup, c’est une très grande joie, parce qu’entrer dans la vie, c’est forcement une grande joie, toutes les mères le savent. En même temps, c’est une douleur : il faut passer des ténèbres à la lumière, comme l’enfant qui sort de l’obscurité du ventre de sa mère pour venir à la lumière. Les ténèbres qu’il ma fallu quitter, les ténèbres de mon cœur, ce sont les mêmes que ceux du monde. Mes ténèbres, c’est la violence que je rencontre aussi dans le monde, et cette violence, je la retrouve en moi. Si je peux donner un exemple, on parle beaucoup de terrorisme actuellement. Etre confrontée à ce terrorisme me fait pendre conscience qu’en moi, je porte un terroriste quand je laisse exploser ma colère, c’est un petit exemple qu’on peut reproduire sur plein de niveaux. Pour moi, c’est une joie indicible quand Dieu vient apaiser cette violence pour apporter la paix. Et si la violence du monde vient me rejoindre, j’espère que la paix que je vis peut d’une manière ou d’un autre rejoindre le monde. C’est vraiment le sens de ma vie et de mon engagement, et c’est vraiment ça qui va me remplir de joie.
Jean-Baptiste : Est-ce qu’il y a des paroles de la Bible ou des prophètes qui alimentent aussi votre prière, votre combat, qui vous ont aidée à rejoindre ces prophètes dont on parle dans la Bible, et qui ont eu aussi des combats à mener ?
Sœur Marie-Noël : Le personnage biblique qui est un patriarche et qui me rejoint beaucoup, c’est Jacob. On raconte dans la Bible qu’il se bat contre un personnage étrange, pendant toute la nuit ; il se bat et il se fait même démettre une hanche par ce combattant. A la fin de la nuit, il se rend compte qu’il se bat contre un ange et il lui dit : «Je ne te lâcherai pas avant que tu m’aies béni» ; à ce moment-là l’ange le bénit et lui donne un nouveau nom, qui est le nom d’Israël. Pour moi, c’est vraiment symbolique de ce combat que je vis et qui donne vie.
Jean-Baptiste : Un certain nombre de sœurs n’ont plus leur nom de naissance. Est-ce que c’est votre cas ?
Sœur Marie-Noël : Effectivement, Sœur Marie-Noël n’est pas mon nom de naissance, je m’appelais Marie. Au moment de recevoir l’habit il y a cinq ans, Mère abbesse a décidé de me donner un nouveau nom. Ce n’est pas systématique, il y en a qui gardent leur nom de baptême. Après m’avoir consultée, pour savoir ce que j’en pensais, elle m’a donné un nouveau nom. Ce n’est pas moi qui ai choisi, c’est elle qui s’est laissée inspirer par l’Esprit à travers la prière. Ce nom que j’ai reçu, c’est comme une vocation qui m’est donnée. Je m’appelais Marie, je m’appelle maintenant sœur Marie-Noël, ce petit «Noël» fait toute la différence : ce qu’elle m’a proposé à travers ce nom, c’est le même chemin que Notre Seigneur a fait, c’est-à-dire l’Incarnation. J’étais quelqu’un qui vivait et qui vis beaucoup dans ma tête : à travers ce nom, je suis invitée à vivre mon humanité pleinement, c’est-à-dire à aussi habiter mon corps et mes sentiments.
Jean-Baptiste : Est-ce que vous pouvez nous partager quelques-unes de ces joies monastiques ?
Sœur Marie-Noël : Pour moi, la plus grande joie, c’est d’entrer dans la vie. Je sais qu’avant d’entrer, je vivotais, je suivais le cours de la vie qui m’était donnée, je laissais les événements venir à moi. Maintenant, je vis vraiment ma vie et pour moi, c’est vraiment une très grande joie. J’ai aussi la grande joie aussi de vivre en communauté parce que si le combat est parfois difficile, je sais que je peux compter sur mes sœurs. La vie en communauté n’est pas toujours facile parce qu’on a toutes notre caractère : vivre 24 sur 24 avec 50 sœurs, ça demande parfois de l’énergie mais en même temps, cette vie en communauté ouvre à la beauté. J’aime voir la beauté intérieure de mes sœurs, apprendre à découvrir la beauté intérieure de mes sœurs : c’est vraiment ce chemin qui me permet d’entrer dans la louange, c’est ma reconnaissance qui est louange.
Source : http://bit.ly/2hrn8I8
Commentaires
A toi la parole.
Joie de lire ce beau témoignage après avoir connu Soeur Marie Noël quand elle était “Marie” et qu’elle cherchait comment donner sa vie à Dieu. Soyez bien assurée de notre amitié dans le Seigneur chère Soeur!