Aimer pour la vie entière, est-ce donc possible ?
Une chronique du père Thierry Anne, jésuite.
Voici le mariage d’Elodie et Arnaud. Les joyeux fiancés s’avancent jusque dans le chœur d’une église nichée au sein d’un village de l’Oise. Il fait terriblement froid. La neige est tombée en abondance la nuit précédente. La paroisse n’a pas les moyens d’un chauffage conséquent, cependant nous en oublions l’inconfort, tant nous sommes tout concentrés sur ce couple radieux. Comment un tel bonheur peut-il leur être donné ? Comment vont-ils bientôt oser s’engager pour la vie entière ? Plus d’un dans l’assemblée, est pris par l’émotion, tant il sait l’affaire difficile. L’un à peine quadra vient de divorcer, alors que sa voisine âgée de 37 ans attend toujours l’amour de sa vie. Le prêtre, comme percevant ces mouvements intérieurs, accueille le jeune couple comme il se doit, puis se tourne vers l’assemblée. « Celui qui s’engage le plus aujourd’hui n’est pas celui que nous croyons : ni Elodie, ni Arnaud, mais bien Dieu ! Nos deux amis viennent célébrer leur mariage en Eglise, car ils savent ne pas pouvoir compter sur leurs propres forces seules.
Dieu qui s’engage
Il me semble que cette brève histoire donne réponse à l’interrogation : « Est-ce donc possible… pour la vie ? » A vue humaine, l’amour pour toujours s’annonce impossible. En ces temps où l’on jette et remplace toute chose sans tarder ; en cette ère où le smartphone et l’ordinateur ont une durée moyenne de trois années ; en ces temps, où l’on nous prévient que nous entreprendrons chacun au moins trois métiers différents ; en ce début de XXIème siècle où l’on chérit rarement ses amis pour la vie entière… les engagements se succèdent et ne se ressemblent pas. Nous sommes portés à croire qu’il en sera de même dans l’amour. Oui assurément cela adviendra, si nous continuons de compter sans Dieu !
Bâtir sur le roc ?
A mesure que les histoires d’amour et de déchirement me sont contées, il m’apparaît que la plupart des couples qui se défont après 5 ans, 10 ans, 20 ans, 30 ans de mariage se sont engagés avec trop de précipitation. Car Dieu peut d’autant plus demeurer au milieu et à la fin qu’Il l’a été au début. Je m’explique. Non seulement l’amour pour toujours est possible, mais il nous est offert en promesse.
Dans la vie religieuse, le sacerdoce ou la conjugalité, l’engagement est d’autant plus joyeux, profond et fécond qu’il dure. Mais, avons-nous pris le temps de présenter nos projets à Dieu ? Avons-nous prié au point de chercher sa lumière et son inspiration ? Au moment-même où nous dévoilons, qui notre dulcinée, qui notre vocation religieuse, à nos amis les plus chers, avons-nous consulté Dieu ? Lui avons-nous donné le temps et l’espace intérieur d’une réponse ? Si nous prenons cette douce et ferme attitude au commencement, nous continuerons de le faire par temps d’éclaircie comme par moments de tempête. Qui fait ainsi, bâtit sur le roc. Or vous savez l’admirable et longue postérité d’une maison bâtie sur le roc.
De nombreux moyens à disposition
La prière
Aucun moyen humain, aussi efficace et reconnu soit-il, ne remplacera une vie de prière personnelle régulière. Prier, c’est oser la solitude et le silence avec Dieu. Prier, c’est considérer les actions, relations, événements, projets avec une juste distance. Prier c’est rendre Dieu, témoin de ce que je deviens. Prier c’est écouter ce qu’Il cherche à me dire au cœur. Lorsque j’atteins les terres aventureuses de l’amour de couple, il est bon de prier seul. Il est fructueux aussi de se mettre côte-à-côte ; là nous contemplons dans la même direction, nous crions vers le même Seigneur : expression de notre joie, demande d’éclairage, présentation de notre projet sous forme d’offrande, etc.
La parole
L’Esprit de Dieu se manifeste souvent lors de conversations. Les idées sages et courageuses viennent souvent d’un échange avec quelques proches. Ainsi, dans les temps qui précèdent l’engagement à deux, mais aussi tout au long de la vie de couple, la parole vraie, franche, profonde, à froid est à valoriser. Plusieurs occasions peuvent nous y entraîner, plusieurs personnes nous sont offertes sur ce chemin : le prêtre et les couples qui accompagnent la préparation de mariage notamment. L’Eglise universelle a édicté qu’il fallait au moins trois rencontres de ce type. L’Eglise de France donne le conseil de préparer religieusement son mariage sur environ 9 mois. Car il est bon de laisser le temps faire son œuvre entre deux échanges et rencontres.
Les paroisses proposent ainsi des soirées ou demi-journées en fin de semaine ; on y aborde les piliers du mariage chrétien, le sens du sacrement de mariage, les détails de la célébration. Au long de ce chemin de préparation, il s’avère heureux de rencontrer d’autres couples d’amoureux et de fiancés, afin de partager sur les questions et étapes que chacun traverse. On peut aussi aller demander le témoignage de couples déjà mariés. Ceci donne du recul, fait entrer dans l’humour face aux pièges et petits côtés de chacun, donne quelques points d’attention, rappelle que chacun aura à inventer son parcours et sa manière de faire. Cependant il est des points communs, des thèmes récurrents, des problèmes et points d’appui sur lesquels on gagne à échanger ; tout comme on tire grand avantage à échanger ses pratiques dans la vie professionnelle ou associative.
Les sessions et retraites
Voici quelques années, on considérait les sessions et retraites comme s’adressant aux super cathos. On découvre aujourd’hui avec émerveillement que le public de ces week-end s’est pluralisé grandement, allant des couples déjà en concubinage, voire mariés civilement, aux couples dit mixtes, c’est-à-dire dont l’un des membres se dit incroyant ou bien d’une autre religion. Ces sessions et retraites se déroulent sous forme de week-end. On y trouve des sessions de type retraite où le silence, la prière, la célébration et l’échange en couple alternent avec des enseignements et des témoignages ; on y trouve aussi des sessions plus pratiques, sur la communication dans le couple par exemple.
Décider d’aimer
Où l’on reconnaît à travers ces moyens que la passion et le projet fou de s’aimer pour la vie s’incarnent profondément grâce au temps, aux rencontres, aux temps de formation. Ils ne sont nullement une assurance universelle contre les crises. Ils préparent des relais aux sentiments, lorsque ces derniers sont mis à mal. Rappelons-nous cet adage : «Nous ne nous marions pas parce que nous nous aimons, mais parce que nous avons décidé de nous aimer !»
Thierry ANNE sj
Commentaires
A toi la parole.
Ainsi donc, nous voici condamnés à choisir un époux ou une épouse chrétien-ne, et pieux-se. Autant dire que une bonne partie des jeunes filles sont condamnées au célibat, la pratique religieuse catholique étant largement féminisée et donc les hommes épousables, rares et en tout cas pas assez nombreux.
Comment s’engager pour la vie avec un homme qui n’y croit pas, ne prie pas, et envisage le divorce comme une épreuve certes, mais quand même une possibilité? Je dis quoi aux amies que leur mari quitte et qui n’a pas le souci de l’indissolubilité du mariage, les laissant, elles, en situation d’exclusion des sacrements si elles retrouvent quelqu’un, ce qui à 35 ans est quand même possible, et souhaitable?
“en tout cas pas assez nombreux”: elles ont été nombreuses, depuis les débuts du christianisme, à parier sur l’aide de Dieu pour accompagner un époux indifférent à s’intéresser à Celui qui s’engage à chaque mariage religieux.
“si elles retrouvent quelqu’un, ce qui à 35 ans est quand même possible, et souhaitable”
possible: certainement; souhaitable: moins certain, car alors elles n’ont pas compris qu’alors elles emmurent leur premier “amour” puisqu’elles lui ferment définitivement la porte d’un éventuel retour.
Quel sens a dans ce cas un mariage à l’Église, si aucun des deux n’a la volonté de lutter, avec l’aide de Dieu, pour rester fidèle à une promesse? Juste un cadre prestigieux?
Tellement d’accord avec vous Marie…Et pour beaucoup d’hommes la priorité est une vie sexuelle épanouie
Bonjour ,
le dialogue sur l’engagement du mariage à l’Eglise”m’interpelle .
“Quel sens a dans ce cas un mariage à l’Église, si aucun des deux n’a la volonté de lutter, avec l’aide de Dieu, pour rester fidèle à une promesse? Juste un cadre prestigieux?
Le mariage à l’Eglise c’est se donner le sacrement de marirage, l’un à l’autre, et aussi pour notre couple de remercier Dieu de nous aider à vivre dans l’amour l’espérance et la lumière .
Vous posez des questions très personnelles, sur les croyances dans un couple . Ce que je peux vous dire c’est que le pardon est important dans un couple. La foi aussi. Si vous priez Dieu seul ou aidé par un Prêtre lorsque votre couple connaît de graves difficultés, Dieu saura entendre votre appel, il vous donnera un coup de pouce pour que votre mariage aille dans le sens qu’il veut, s’aimer les uns les autres comme il nous a aimé..
Beaucoup de femmes très croyantes vouées au célibat car beaucoup d’hommes envisagent le divorce comme une possibilité, et ne sont pas croyants ou pratiquants.
D’abord selon moi les chrétiens n’ont pas le monopole de la vie heureuse en couple, mais croire ça aide. Et
si un homme vous plaît et tient ses propos sur le divorce dites lui que le dovroce est une sorte de découragement où l’un ou les deux on oubilés tout ce qu’ils avaient vécu de beau ensembles .
Et bonne vie .