#PartageTonAvent : Noël en Equateur ou le vrai sens du partage
Sandrine a été volontaire pendant deux ans en Équateur dans une ONG à Guayaquil puis en mission auprès de communautés indigènes andines. Elle nous partage comment elle a vécu Noël sur place.
Chaque semaine, pendant l’Avent, retrouvez en partenariat avec Inigo et la Délégation Catholique pour la Coopération le récit de volontaires de solidarité internationale : depuis les Philippines, l’Uruguay, le Ghana, le Cambodge, le Liban… ils racontent comment ils vivent l’Avent dans le contexte culturel propre où ils sont accueillis.
Les novenas en communautés pour Noël
Ce qui m’a marqué de mon expérience de Noël c’ est la tradition très vivante des Novenas , ou réunions familiales entre voisins où se partage sur un thème le sens de Noël, se chante les villancicos ou chants traditionnels et se partage un repas ensemble. L’année dernière, j’ai pu vivre cette novena dans la ‘communauté ecclésiale de base’ de Guayaquil lors de la visite de ma sœur. Pour moi ce fut une grande joie de pouvoir partager avec ma frangine le partage de l’Evangile et l’amitié créée avec la communauté ecclésiale de base : nous avons exprimé comment nous vivions Noël dans notre culture ; ce que nous attendions de cette année… En effet, les ‘communautés ecclésiales de bases’ sont des communautés chrétiennes de voisins qui se réunissent une fois par semaine pour partager sur un thème à partir de leur réalité et de là pouvoir prendre un engagement personnel et communautaire . Les CEB en Amérique Latine ont constitué tout un tissu de communautés dans la ligne de la théologie de la Libération, c’est à dire avec une visée de transformation personnelle et sociale à partir du partage de l’Evangile.
Avec les autres volontaires
D’un point de vue de la vie avec les volontaires européens avec qui je partageais la maison et la vie quotidienne, j’avais été marquée par le besoin de se réunir, de partager un élément de notre culture : Allemands, Espagnols, Maltaise, Français, Équatoriens … Le dernier Noël dans la maison des volontaires à l’entrée des quartiers populaires, nous avons fêté Noël avec les plats typiques de chacun. Le repas interculturel, les danses… beaucoup d’entre nous n’étaient pas croyants et avait une relation très distante avec la religion, mais ce qui nous unissait était le besoin de nous retrouver dans la chaleur ce moment en famille de volontaires. Une autre forme de communauté !
Les écarts entre riches et pauvres à Guayaquil
J’ai été aussi marquée par plusieurs aspects dans les fêtes de Noël ou comment se vivait le partage dans la folie des grands écarts entre riches et pauvres à Guayaquil.
Dans les quartiers populaires de Monte Sinai, les quartiers organisaient des fêtes de quartier pour que les enfants puissent vivre un moment spécial : jeux, chants, cadeaux sont prétextes pour se réunir et partager un temps ensemble. Souvent certaines familles n’avaient pas les moyens, alors les leaders des quartiers démarchaient les entreprises pour qu’ils les aident avec des cadeaux.
A l’ONG Hogar de Cristo (de plus de 200 salariés et quelques volontaires) implantée dans la périphérie de Guayaquil, où j’étais, les collégiens des établissements hauts de gamme, avaient prévu d’offrir aux enfants des paniers de Noël. Et au dernier moment s’était annulée cette manifestation de peur de ne pas pouvoir contrôler une vague de familles … La distribution des cadeaux avait été alors faite après Noël. Je m’étais sentie très mal à l’aise dans cette manière de se mettre en relation quartiers riches et pauvres de Guayquil reproduisant alors les différences sociales et le modèle de celui qui reçoit et celui qui donne sans questionner le véritable sens de Noël : EL COMPARTIR ! LE PARTAGE !
Je m’étais demandée si ce n’était pas une manière de se donner bonne conscience finalement une fois par an, sans remettre en cause le pourquoi de l’énorme fossé entre riches et pauvres qui vivent à 5 min de distance…
Le vrai sens du partage
J’avais été touchée par une amie professeur dans une école d’enfants d’un quartier populaire qui m’avait alors donné une autre clé dans le sens de Noël : que chacun puisse apporter et partager ce qu’il est et ce qu’il a. Elle avait organisé une fête avec les enfants où chacun pouvait partager sa culture : danses, chants et petit cadeau. L‘importance n’était pas mis dans le cadeau mais dans l’échange.
Noël dans la sierra avec les communautés indigènes
Dans la sierra, Noël se vit dans le voyage de l’enfant Jésus de maison en maison qui sont aussi des occasions de réunions, de partage de la Parole de Dieu et des hommes.
Dans la culture indigène des Andes, les fêtes traditionnelles sont davantage en relation avec les fêtes de la terre, « au cycle agraire » : aux époques de semence, de récolte. Les fêtes sont aussi en relation avec le cycle du soleil et en décembre correspond à l’équinoxe du soleil du 21 décembre. Traditionnellement, cette époque correspond à la fête du « Kapak Raymi », la naissance de la plante et donc la fête de « la nouvelle vie », des nouvelles générations, qui vont devenir sujet de la société.
La pastorale indigène, où travaille l’Equipe Missionnaire à Riobamba accompagne depuis plus de 40 ans des communautés indigènes dans l’expression de leur culture et identité propre. Ainsi, le p. Carlos Vera donne des ateliers en kichwas sur les fêtes traditionnelles (comme le « Kapak Raymi ») qui sont intégrées dans les messes. Le père Carlos manifeste un grand respect par l’écoute et en laissant les personnes indigènes elles-mêmes organiser et animer leur propre rituel dans le cadre de la liturgie … du coup revisitée !
Une pastorale pour et par les personnes indigènes est construite : reconnaître les valeurs, la culture propres des personnes indigènes et y voir « des graines de la Parole de Dieu ». L’évangélisation en ce sens est un processus de valorisation et d’apprentissage mutuel.
J’ai ainsi rencontré dans les six derniers mois de mon volontariat des jeunes indigènes qui reprenaient conscience et fierté de leur identité. Souvent après une époque de rejet, ils rechoisissaient de parler kichwas, de s’habiller traditionnellement, renouaient avec les rites. On a beaucoup à apprendre de ce qu’on appelle « les religions populaires », c’est-à-dire l’importance de reconnaître cette présence de Dieu qui s’exprime différemment dans chaque culture … Jésus dans la culture indigène s’exprime dans la “Pacha Mama”, la vie en communauté et toute une cosmovision propre. Le partage se vit dans le « Karanakuy » , dans le partage des grains de récoltes et dans la culture de l’accueil et la générosité des communautés… Peut-être est-il temps pour nous aussi d’apprendre des autres religions ou spiritualités et des autres visions de Dieu pour enrichir notre relation à Jésus.
Noël cette année
Noël cette année sera en France pour moi. Après avoir passé deux Noël en dehors de ma famille, j’aimerais prendre le temps des retrouvailles, bien sûr, mais aussi porter mon attention aux personnes seules pour ouvrir nos tables. Comment être ouverte et disponible à l’étranger, moi qui l’ait été pendant deux ans en Equateur ? L’Evangile nous parle aussi à propos de Jésus d’un enfant fragile, exclu socialement, sans espace pour lui, un enfant de migrants… Quelle place laisserons-nous à l’étranger ?
Sandrine
Voir aussi :
Opération #PartageTonAvent
En Avent vers Noël, quelques pistes concrètes
#PartageTonAvent – Aux Philippines, le temps de la rencontre
#PartageTonAvent en Uruguay : « me faire petit pour suivre le Christ »
#PartageTonAvent : l’interreligieux au Cambodge
#PartageTonAvent au Liban : le défi de la confiance pour les chrétiens d’Orient
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A toi la parole.
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