Connectée la sœur ?
Tous les deux mois, Anne-Catherine, 33 ans, jeune professe du Cénacle, évoque dans ce Journal ce qu’elle vit dans la vie religieuse. Aujourd’hui, elle nous partage quelques réflexions sur son rapport aux technologies de l’information et de la communication. Pour elle, ce qui s’y joue, c’est à la fois une présence, une visibilité, des relations, et aussi sa liberté !
Téléphone portable ou smartphone, that is the question ?
Quand je suis entrée en communauté, j’ai laissé derrière moi mon téléphone portable, mon ipod… pas franchement indispensables pour un temps de cœur à cœur avec le Seigneur… Mais depuis quelques années, où je suis envoyée en activité auprès des jeunes, la donne a changé. Quel jeune oserait appeler sur le standard de la communauté et tomber sur une sœur inconnue alors qu’il veut juste savoir où est la soirée qui commence dans une demi-heure ?… Ou comment pourrais-je envoyer un sms de rappel de la rencontre du lendemain si ce n’est depuis un téléphone où les jeunes identifient immédiatement que c’est moi ?…
Il m’était donc nécessaire d’avoir à nouveau un téléphone portable. Mais, devant le rayon des téléphones, que choisir ? Et oui, en entrant dans la vie religieuse, j’ai opté pour une vie simple, mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? C’est dans une situation très concrète comme celle-ci que je peux essayer de vivre en acte ce que mon cœur désire et ce à quoi je me sens appelée.
Pour quoi ai-je besoin de ce téléphone ? A quoi va-t-il me servir ? Qu’est-ce que cela va m’apporter d’avoir un appareil photo + internet et tout plein d’applications… ? Et combien cela va-t-il me coûter ? En ai-je vraiment besoin ?…
J’ai fini par choisir, et rechoisir récemment, d’avoir un téléphone qui ne fait que téléphoner et envoyer /recevoir des messages. Vous allez peut-être me prendre pour un dinosaure d’un autre âge ! Mais je tiens à rester libre de l’usage que j’en fais, et à ne pas être connectée en permanence. Quelle liberté de ne pas toujours être joignable, de devoir attendre un peu au lieu de satisfaire immédiatement ma curiosité dans des questions finalement peu existentielles, d’être obligée de demander ma route à quelqu’un quand je suis perdue sans GPS… ! Cela me fait apprécier le bienfait du silence de temps en temps pour me ressourcer, de relations vraies et gratuites avec des personnes en chair et en os, d’un rapport au temps qui n’est pas sans cesse dicté par l’immédiateté, le tout, tout de suite, l’impatience…
Peut-être que cela changera un jour… Mais pour l’instant, ce choix est bon, pour moi, maintenant.
Facebook ou pas ?
Comme présence sur les réseaux sociaux, j’ai choisi depuis quelques années d’être seulement sur Facebook. En effet, ma mission n’est pas d’abord en ligne, et comme vous sans doute, mon temps est limité et m’oblige à ne pas tout choisir.
D’abord, ce qui me motive, c’est que Facebook est fondé sur une valeur de partage qui rassemble des gens de divers horizons. Alors bien sûr, je ne suis pas amie avec ‘n’importe qui’, et je ne vais pas voir chez les autres, ni ne publie sur ma page, tout et ‘n’importe quoi’. C’est là qu’intervient mon jugement, jamais posé définitivement, mais sans cesse à renouveler.
Aussi, c’est un lieu de relations. J’essaie que mes amitiés sur Facebook soient au service de mes relations avec celles et ceux que je rencontre dans mes diverses activités… Avec la conscience que la qualité de relation ne peut pas être la même avec tout le monde. Et Facebook me permet précisément de garder à la fois des liens forts et des liens faibles, d’être accessible et proche en cas de besoin. Facebook élargit ainsi mon cœur -bien sûr pas à l’infini-, et m’appelle à veiller et réajuster régulièrement ma manière de rester en lien avec tant de personnes.
C’est également une source qui me permet de recevoir des informations, non pas anonymes et lointaines, mais qui concernent ou intéressent mes amis, donc qui prennent chair et visage par eux. Puisque Facebook a le potentiel de faire partager quelque chose rapidement à des milliers de personnes à partir d’une seule, je suis de celles et ceux qui veulent l’utiliser pour le meilleur, et ne pas laisser ce terrain qu’à ceux qui veulent l’utiliser pour diffuser le pire. Cette dimension de partage offert -qui me dépasse !- me rappelle, avec justesse, que je ne maîtrise pas tout ce que je donne.
Enfin, c’est une manière pour moi d’être visible comme sœur du Cénacle, sachant que ce que je publie et donne à voir dit quelque chose de moi et, en même temps, d’une sœur du Cénacle parmi d’autres.
Mais Facebook m’appelle à être vigilante aussi sur certains points, et d’abord sur le temps que j’y passe : à la fois être capable de me laisser interpeler à l’improviste par une conversation lancée par un jeune, et aussi rester libre pour que Facebook ne devienne pas maître de ma vie, de mon sommeil… Le langage utilisé est surtout de l’ordre de l’immédiat et de l’émotionnel, or il me paraît important d’ouvrir à une autre forme de parole, dans les relations interpersonnelles en chair et en os.
Ainsi, Facebook cultive en moi (et n’a jamais fini de le faire !) l’ouverture, la prudence et la liberté ! Tout un programme qui ne cesse de m’appeler à vivre et faire concrètement ce que je désire profondément.
Sr Anne-Catherine
www.ndcenacle.org
Commentaires
A toi la parole.
Merci sœur d’avoir eu l’audace de partager ces discernements du quotidien. Moi même religieux depuis peu chez les Assomptionnistes ( ) je suis confronté aux mêmes questions de la réalité virtuelle et connectée. Je t’encourage à continuer de témoigner ainsi en espérant que des jeunes puissent aussi te lire sur le net. Fraternellement, Clément AA.
Merci à toi aussi et bon discernement de ton côté ! Que l’Esprit t’inspire ce qui est juste et bon !