“Travailler au Secours catholique n’est pas un choix anodin”
Depuis près de quatre ans, Alseny travaille au Secours Catholique du Val-de-Marne. Pour Jeunes Cathos Blog, il revient sur ses missions, le sens de son travail et de son engagement auprès du Secours Catholique et sur son positionnement en tant que musulman dans une association catholique.
J’ai connu le Secours Catholique à l’Escale étudiants, l’aumônerie étudiante de Créteil. Une collègue actuelle, à l’époque au « service civil volontaire » au Secours Catholique, venue présenter ses missions à une soirée de rencontre avec les étudiants pour présenter ses missions, m’a proposé de devenir bénévole et j’ai accepté. Pendant deux ans, j’ai participé bénévolement à toutes sortes d’actions ponctuelles puis je suis devenu salarié au Secours Catholique du Val-de-Marne.
“Ils voient le monde passer mais sont très seuls”
Mon travail au Secours Catholique consiste à coordonner deux services : le service errance et le service action internationale. Le service errance accompagne les équipes qui accueillent les personnes à la rue, mal logées, isolées… On leur propose des espaces de convivialité où ils peuvent prendre un repas chaud, une douche, laver leur linge, lire des journaux… C’est un lieu d’humanité où ces personnes qui voient le monde passer mais sont très seules peuvent être écoutées et accompagnées.
Le service action internationale sensibilise, informe et forme le réseau bénévole et le grand public à certaines grandes problématiques mondiales : le changement climatique, le développement des pauvretés…
Travailler au Secours Catholique, ce n’est pas un choix anodin. Avant, je travaillais dans un autre secteur et je gagnais bien ma vie. Mais je me posais beaucoup de questions, notamment sur ce que ce métier m’apportait humainement, s’il pouvait me faire grandir et m’aider à faire grandir les autres. Je me demandais quel travail faire pour rester en accord avec les valeurs que je voudrais transmettre à mes enfants. J’ai partagé cette réflexion avec deux imams et une religieuse, qui m’ont accompagné. Puis la religieuse m’a fait connaître ce poste au Secours Catholique. J’ai hésité : je me demandais si, humainement, j’avais la capacité de faire ce travail. Si j’oserais aller à la rencontre des personnes à la rue, si je ne risquais pas de découvrir des choses trop dures.
Et puis finalement, j’ai décidé d’y aller !
“Il faut leur donner la parole et les écouter”
C’est un travail très enrichissant. Mais c’est parfois difficile et révoltant de côtoyer la misère, dans une société française assez riche qui s’est abandonnée dans un certain individualisme. Certes, on peut blâmer l’Etat mais quelque part les citoyens aussi fuient leurs responsabilités. On peut dire bonjour à quelqu’un dans la rue, on peut prendre deux minutes pour discuter… Peu de monde le fait. On devrait pouvoir regarder l’autre tel qu’il est, chercher l’humanité qui est en lui, pas le fuir parce qu’il est à la rue.
Ce qui est très difficile, pour eux, c’est l’isolement. On a besoin d’échanger, de regarder, d’être regardé… Ces personnes en errance sont aussi des citoyens ; ils observent, ils voient beaucoup de choses qu’on n’a pas le temps de voir parce qu’on va très vite. Ils ont énormément de choses à dire ; il faut leur donner la parole et les écouter. Ce sont des rencontres très fortes.
Ce qui est enrichissant aussi, c’est la rencontre avec les bénévoles et les donateurs, sans qui le Secours Catholique n’existerait pas. Ces personnes qui donnent de leur temps pour accueillir les personnes en errance, depuis parfois quinze ans, ont toute mon admiration.
“Un projet en lien avec ma culture et ma foi”
En tant que musulman, je me suis demandé comment mon engagement au Secours Catholique allait être perçu par mes collègues et mes amis musulmans. Je connaissais la structure et ses valeurs d’humanité et de lien ; je savais qu’elle était assez ouverte pour accepter des personnes différentes comme moi puisque c’est au cœur de son message. De mon côté, j’étais en accord avec le projet global de la structure, qui était bien en lien avec ma culture africaine et à ma foi de musulman. Autant du côté de certaines personnes de ma communauté que de certaines catholiques – qui ne comprenaient pas forcement le choix de cet engagement – il y avait un message à faire passer : expliquer en quoi le message et les valeurs du Secours Catholique ne sont pas fondamentalement différentes de ce que porte l’Islam.
Quelques chrétiens m’ont posé des questions : pourquoi travailler au Secours Catholique ? Pourquoi pas au Secours Islamique ? Quand on travaille en tant que musulman dans un milieu catholique, il faut être prêt à écouter beaucoup de choses, à ne pas être sur la défensive. Les questions de ces gens, qui pouvaient paraître blessantes, étaient finalement légitimes et permettaient d’ouvrir le dialogue, de montrer que je ne me résume pas par ma foi.
Au final, j’ai été bien accepté. Ma présence a suscité de la curiosité plutôt que du rejet !
Alseny Soumah
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Commentaires
A toi la parole.
Je ne comprends pas toutes ces interrogations, les tiennes comme celles des autres.
Le Secours Catholique est ouvert à tous, bénévoles comme accueillis : article premier du Secours Catholique.
Ton engagement est naturel: c’est celui d’un homme , pas celui d’un musulman.
Bonne continuation à toi.
Pierre. ( Secours Catholique Ravine des Cabris 97410)
Félicitation mon frère pour tout ce que tu fais en vue de se montrer utile surtout du côté des plus pauvres. Un musulman au milieu des chrétiens est une preuve que la charité n’a pas de frontière.