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Une expérience individuelle de la catastrophe de Fukushima

Publié par jeunescathos le 2 août 2011 - Société

Chercheur en ingénierie médicale, Jean-Joseph a effectué une thèse en cotutelle entre la France et le Japon, avec pour projet initial projet initial l’apprentissage d’une langue non européenne et l’immersion dans la culture correspondante. Il a passé l’essentiel de ses trois ans et demi de recherche au Japon, à Sendai, à l’université Tohoku, pour être précis, où il a été directement confronté au problème du nucléaire suite au séisme du 11 mars, que son épouse et lui ont subi de plein fouet. Il explique la façon dont il a vu son entourage réagir autour de lui.

Shiogama après le séisme

Shiogama, où Jean-Joseph s’est rendu en tant que bénévole, après le séisme

Il y a parfois en France le sentiment que les Japonais acceptent leur sort sans réagir. Indépendamment du fait que la mobilisation populaire existe, même si elle s’exprime différemment qu’en France, il y a, au Japon, un fatalisme vis-à-vis des puissants qui vient de l’histoire du pays. Il est courant de penser que les gouvernants sont incompétents, mais que de toute façon il n’y en aura pas de meilleurs et donc qu’il est préférable de se préserver en étant le plus discret possible.

Pour expliquer mon point de vue sur la façon dont j’ai vu mon environnement japonais réagir autour de moi, je voudrais m’arrêter sur trois points.

 

Les réactions au cataclysme

J’ai été particulièrement sensible aux différences de traitement de l’information en France et au Japon. Dans les médias japonais, un point était donné chaque jour, avec parfois des questions très directes des journalistes. Alors que les médias occidentaux se sont vite focalisés sur le risque nucléaire, sur place nous avions à gérer les conséquences du séisme, et surtout du raz-de-marée. Les médias japonais passés en boucle des images des dégâts, y ajoutant la liste des morts et disparus s’allongeant jour après jour. Reconstruire, éviter les épidémies dus à une exposition prolongée de corps en décomposition, déblayer pour réduire les risques d’accident et de pollution,… voilà ce qui avait déjà de quoi nous préoccuper largement.

L’absence de culture du bénévolat

J’ai également été marqué par le rapport des Japonais au bénévolat. Le Japon n’est pas un pays à tradition chrétienne et l’acte de charité n’y est pas ancré dans la culture. L’ampleur des dégâts a poussé plus d’un japonais à se porter volontaire pour soutenir la reconstruction, mais le travail des bénévoles s’est révélé, à mon avis, inefficace par manque d’expérience. En particulier, beaucoup de bénévoles venaient pour un ou deux jours, sans qu’il y ait de vrai suivi entre eux et les suivants.

Les réactions aux risques nucléaires

Shiogama après le séisme

Shiogama après le séisme

Tout d’abord, dans la suite immédiate de l’accident de la centrale, j’ai observé deux réactions très différentes. D’une part, le peuple, dans sa grande majorité, a continué à vivre et travailler sans chercher à quitter la région. En effet, dans la culture japonaise, quitter sa terre, et en particulier dans ces circonstances, est considéré comme une trahison. Je pense que cette mentalité, comme beaucoup d’élément de la culture japonaise, vient du sakoku, la fermeture totale du Japon pendant 265 ans sous l’ère Edo (1603 – 1868).

D’autre part, la partie la plus éduquée de la population a eu plus tendance à quitter la région ou à inciter à le faire ; je pense en particulier à mes professeurs d’université. Ce qui est intéressant, c’est que, malgré la conscience aigüe des risques les poussant à s’éloigner, cet éloignement s’est généralement fait dans la plus grande discrétion.

Dans l’ensemble, les Japonais sont très majoritairement hostiles au nucléaire : dans certaines régions, l’opposition suivie depuis plusieurs années a empêché la construction d’une centrale.

Finalement, j’aimerais préciser qu’avant cela, j’étais favorable au nucléaire sous certaines conditions, et avec un encadrement strict. Mon point de vue n’a pas été modifié par ces évènements.

 

Jean-Joseph ChristopheAprès une maitrise de mathématiques pures et un service militaire, Jean-Joseph Christophe a travaillé comme formateur math-science, puis conseiller pédagogique d’éducation en centre de formation par l’apprentissage. En parallèle, il a obtenu un Master en calcul scientifique avant d’effectuer une thèse en ingénierie biomédicale au Japon.

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Commentaires

A toi la parole.

  1. Cybersister says: août 2, 2011

    Je retrouve bien dans cette analyse quelque chose du non-dit de mon neveu qui est également au Japon (Tokyo). J’ai perçu en effet des réactions très différentes de lui, sur place, et de nous, en France. Différences de traitement de l’info, surtout, comme le dit Jean-Joseph. Comme une “incommunicabilité” parce que nous n’étions pas du tout, les uns et les autres, dans les mêmes perspectives et cela en raison de l’histoire, la culture, la civilisation…
    Merci pour ce témoignage.

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