Skip to content

A la rencontre des Eglises du monde

Publié par jeunescathos le 11 octobre 2011 - Interreligieux

La foi est-elle la même dans la brousse, sur les marches tibétaines ou en forêt amazonienne ? C’est la question que se posent Charles et Gabriel. Alors âgés de 23 et 25 ans, ils sont partis dans la simplicité matérielle à la rencontre de chrétiens du bout du monde et d’une Église parfois « oubliée ». Pendant un an, ils ont vécu auprès de sept villages catholiques isolés, en Roumanie, en Turquie, en Thaïlande, au Maroc, en Amazonie… Partout, ils ont rencontré des hommes et des femmes, multiples visages d’une même Église. 

« L’Église ! C’est intéressant ça, non ? Aller voir l’Église, des chrétiens de partout, du bout du monde, des chrétiens parfois persécutés, très minoritaires, bien loin de l’Église de Rome. On ira voir des gens de foi, des gens simples, oubliés depuis chez nous en Europe. Des gens dont on ne soupçonne même pas l’existence. On ira voir des visages avant tout. Deux milliards de visages ! Et des gens différents en tout, mais qui ont un point commun : leur foi. On ira voir comment ils prient, ce qui les fait vivre, les difficultés qu’ils rencontrent. On va les rencontrer et on va les faire connaître. »

La Providence toujours

Gabriel et Charles à Komani, Kurdistan irakien

Partis le 5 juillet 2009, nous sommes arrêtés le 9 juillet à Strasbourg avec, pour moi, une vilaine tendinite au genou. Pas même un quart de France, et le tour du monde est déjà compromis ! Nous faisons halte par hasard chez les frères et sœurs des Fraternités monastiques de Jérusalem.

Chez eux, avec eux, nous remettons le voyage en perspective : nous partons rencontrer l’Église, et ce sont les rencontres ecclésiales qui guideront notre route. Nous ne partons pas enchaîner les kilomètres ou battre un record. Au cas où nous l’aurions oublié, cette halte forcée nous le rappelle. Nous nous sentons appelés à faire une grande confiance à la providence, pour que le Seigneur nous guide. Et c’est ce qui va se passer toute l’année.

« Heureux qui règle ses pas dans la Parole de Dieu » dit la liturgie. Pendant un an, avec le rythme particulier du vélo, une vie réglée, des temps de prière quotidiens ensemble (laudes ou vêpres selon les jours), nous entrons dans un rythme bien différent de la boulimie d’activité que je peux avoir à Paris. Un rythme qui laisse un peu plus de place à Dieu. Un rythme qui invite à ouvrir son cœur, à écouter, à accueillir.

L’unité visible de l’Église ?

Procession du Christ Roi à Guit Dubling

Selon les pays que nous traversons, l’œcuménisme prend des couleurs très différentes. Nous avons fait une halte mémorable en Roumanie, chez un jeune prêtre gréco-catholique. Il nous a expliqué les difficultés, encore aujourd’hui, de la réconciliation entre catholiques et orthodoxes. Sous le régime communiste, tous les évêques gréco-catholiques furent emprisonnés. De nombreux prêtres finirent leurs jours en prison. Tous les biens de l’Église gréco-catholique furent confisqués par le régime pour être confiés à l’Église orthodoxe. L’Église catholique a été détruite dans ses fondations, et l’Église orthodoxe détruite de l’intérieur.

En 1989, les catholiques peuvent à nouveau pratiquer leur culte en public. En 1998, aidé par ses parents, ce jeune prêtre (qui ne l’est pas encore) parvient à récupérer la petite église de son village et à faire venir un prêtre gréco-catholique. Ils sont alors les victimes d’une persécution moderne : la police, le maire, des prêtres orthodoxes s’organisent pour les humilier. Ils sont enfermés dans l’église, battus… Lorsque les persécutions sont le fait d’autres chrétiens, elles sont d’autant plus difficiles à accepter. Pour notre hôte, « la chemise du Christ a été déchirée » en Roumanie. La vie de ce jeune prêtre est aujourd’hui tournée vers la réconciliation de ces chrétiens déchirés.

Chef chrétien du village de Mae To en prière

Quelques centaines de kilomètres plus au sud, à Antioche, c’est une réalité toute autre que nous découvrons. Nous croisons sur le seuil de la seule « Katolik Kilesi » d’Antioche un large groupe de pèlerins italiens suivant les pas de saint Paul en Turquie. Le Père Domenico, curé de la paroisse, en a vu défiler des semblables toute l’année.

Dans les années 1990, on a fait don au père Domenico et à l’Église d’une belle maison turque traditionnelle. Après des années de travail, la voilà reconvertie en sanctuaire de prière avec une chapelle et des chambres d’accueil.

Et cela a l’air de marcher. L’église du Père Domenico regroupe soixante-dix fidèles catholiques mais aussi de nombreux orthodoxes et protestants qui viennent « vivre une expérience chrétienne ».

« Ici, orthodoxe, catholique, il n’y a pas de différence » martèle le religieux italien. Des familles orthodoxes délaissent l’église orthodoxe « puisque c’est en arabe » et « préfèrent les célébrations catholiques ».

Ce berger en terre d’Islam vit l’œcuménisme. Et l’unité prend des chemins bien concrets : des jeunes orthodoxes animent la messe catholique, Pâques est célébrée à une même date, l’assemblée est composée de fidèles de divers horizons. « Mais que faites-vous des différences si importantes pour d’autres ? » Ils haussent les épaules et nous sourient avec malice comme si nous ne pouvions pas vraiment comprendre.

Ouverte et donnée au monde

Prêtre célébrant la messe dans l'église de Mae To

Nous terminons l’année par l’Afrique de l’Ouest. En terre musulmane, les chrétiens vivent avec les musulmans, sans essayer de les convertir. Ils aiment le pays qui les accueille, ils le respectent, ils le servent, ils aiment gratuitement. C’est tout.

Rosso, Mauritanie. 99 % de musulmans et aucun autre groupe religieux reconnu à ce jour. Tout converti encourt la peine de mort. Et pourtant…

Le Père Bernard est le curé d’une paroisse… sans paroissiens. Ce missionnaire spiritain, en Mauritanie depuis quarante et un ans, a connu la présence de l’armée française. A cette époque, son église était pleine tous les dimanches. Mais depuis, il vit seul. Une église sans fidèles, un prêtre missionnaire qui n’évangélise pas. Parfois, il s’isole sur une dune, dans le désert et célèbre l’Eucharistie. Il nous dit que sa joie est d’y présenter à Dieu le travail de ses frères musulmans.

Sa vocation est de « vivre avec », de créer des amitiés, de provoquer le dialogue. Il a ouvert en 2005 une bibliothèque dans l’enceinte de la mission pour les enfants et étudiants de la ville. Pourtant tous musulmans, « les jeunes se sentent ici chez eux ». Le but n’est pas d’évangéliser mais bien d’aider au développement du pays à travers la formation de la jeunesse.

La clé de la présence de l’Église dans cette république islamique est bien la discrétion et un grand respect de la foi musulmane. Le père ne professe sa foi que dans l’enceinte de la mission et ne propose pas le baptême.

Ce Normand à la bouille réjouie semble un homme heureux. Lors de la mort du bienheureux Jean-Paul II, les imams de la ville témoignent leur sympathie au missionnaire et font prier pour le pontife dans les mosquées.

« Si des hommes de culture, de race, de religion différentes peuvent vivre ensemble, alors le Royaume de Dieu n’est pas loin. » Il a le regard infini de l’ermite et la conviction du missionnaire.

De retour dans notre Église de France

L’exemple du père Bernard et celui de tant d’autres subliment nos autres découvertes. En France, il m’est relativement facile de pratiquer ma foi. J’ai la liberté de croire ou de ne pas croire. De prendre ma foi au sérieux, ou de la laisser au second plan.

Dans des contextes où tout pousserait à ne pas croire, certains croient d’autant plus fort. Ailleurs, certains risquent leur vie. Alors qu’on pourrait crier au désespoir, eux y mettent toute leur Espérance.

Ainsi, le retour en France a d’abord été la prise conscience que nous avions un devoir – et que nous trouverions une joie – à occuper notre place active dans la construction de l’Église.

Gabriel a pris un an de discernement en propédeutique. Et j’essaie de tenir des engagements au sein du conseil paroissial et dans l’animation de la pastorale des jeunes.

S’il est parfois difficile d’aimer une institution ou de trouver de la joie dans des célébrations froides entre quatre murs froids, il est beaucoup plus facile d’aimer une assemblée d’hommes et de femmes, avec le Christ au centre. C’est ce qu’il nous a été donné de vivre pendant un an. L’Église est maintenant, pour nous deux, profondément aimable.

 

Gabriel et Charles

 

Charles Guilhamon

 

 

 

 

Liens utiles

Corpus : ensemble, découvrons l’Église (le site du projet)
Le blog
Le groupe Facebook du projet

 

Articles liés

Ces articles peuvent t'intéresser.

Commentaires

A toi la parole.

Il n'y a pas encore de commentaire.

Ajoute un commentaire

Prends la parole !