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“Pour nous, c’est comme si on avait un oncle élu pape !”

Publié par jeunescathos le 18 mars 2013 - Événements, Vie de l'Eglise, Vocations

Premier pape d’Amérique latine, le pape François est aussi le premier pape jésuite. Le père Nicolas Steeves, jésuite, réagit sur cette élection !

Pouvez-vous nous parler de la Compagnie de Jésus ?

Apparition du pape FRANCOIS, card. Jorge Mario BERGOGLIO

Giancarlo GIULIANI/CPP/CIRIC

La Compagnie de Jésus est un ordre religieux fondé par saint Ignace de Loyola en 1540 ; c’est aujourd’hui l’ordre religieux masculin le plus nombreux au monde. Nous sommes autour de 17 000, répartis dans presque tous les pays du monde et habitant en communautés de 4 à 100 personnes. La plupart des jésuites sont prêtres, mais nous avons aussi des frères religieux. Nous avons une vocation missionnaire, c’est-à-dire celle d’être envoyés partout, aux frontières où personne n’ose aller. Le pape Benoît XVI l’a d’ailleurs confirmé lors de la dernière congrégation générale, en janvier 2008. Aujourd’hui, ce ne sont plus tellement les frontières géographiques mais plutôt les frontières culturelles, là où l’Evangile n’est pas connu. Il y a des jésuites qui dialoguent avec les autres religions, avec les autres chrétiens, qui travaillent dans le cinéma, les nouveaux médias, les réseaux sociaux, les universités…

Nous avons une façon particulière de prier qu’on partage avec ceux qui ont une spiritualité ignatienne, laïcs ou religieuses. Nous utilisons les exercices spirituels de Saint Ignace pour deux choses : imaginer concrètement les scènes bibliques pour essayer de changer notre vie à partir de ça ; et pour la relecture de journée, l’examen de conscience où on essaie de voir Dieu à l’œuvre dans notre vie quotidienne.

Les jésuites ont un lien particulier au pape depuis la fondation. Saint Ignace a fondé la Compagnie de Jésus dans un moment de crise pour l’Eglise de la Renaissance ; au lieu de la quitter, il a décidé d’aider à la réformer. Aujourd’hui, un certain nombre de jésuites font un vœu spécial d’obéissance au pape dans leurs missions.

Comment est-ce que vous réagissez à l’élection d’un pape jésuite ?

Nous avons vécu l’annonce de l’élection en communauté. Dès que la fumée blanche est apparue, nous nous sommes tous empilés devant la télévision communautaire ; nous étions une dizaine, avec deux amis laïcs. Quand nous avons entendu le nom Bergoglio, nous sommes restés bouche bée pendant deux minutes.

C’est quelque chose d’inouï pour nous. Même le père Lombardi, porte-parole du Saint-Siège et jésuite, s’est avoué choqué et surpris le soir de l’élection. Notamment parce que Saint Ignace demande que les jésuites refusent d’être évêque et cardinal, sauf si c’est le pape qui le demande. Voir un pape choisi parmi les jésuites, on ne pensait pas que ça pouvait arriver.

Pour nous, c’est comme si on avait un oncle élu pape. On est bouleversés, choqués et fiers à la fois. Le choix du prénom François, en référence à saint François d’Assise pour lequel Saint Ignace avait beaucoup de dévotion, m’a touché. C’est vraiment dans la tradition jésuite, comme les signes concrets de l’apparence vestimentaire du pape François le soir de l’élection en soutane blanche, avec une croix en argent et pas en or, comme le fait qu’il ait pris le bus avec les autres cardinaux… Les jésuites font vœu de pauvreté et, à la dernière congrégation générale, nous nous sommes dit que frugalité serait un mot plus compréhensible. Le nouveau pape semble humble et pauvre, et cette frugalité augure certainement quelque chose de différent.

Est-ce que vous avez des attentes particulières pour ce pape du fait qu’il est jésuite ?

Les religieux sont des hommes et des femmes de prière. Benoit XVI avait bien montré le chemin, François a continué sur cette voie hier en priant immédiatement. J’ai l’attente qu’il nous montre l’exemple de la prière, du silence et de la joie intérieure. Peut-être aussi qu’il fasse profiter à toute l’Église de son expérience de la vie communautaire, de l’interdépendance que ça crée. Dans son intervention le soir de l’élection, quand il a demandé à la foule de le bénir avant qu’il la bénisse, on sentait déjà cette dépendance qu’il a connue comme religieux. C’est quelque chose qu’il peut partager.

Il ne s’agit aucunement de renoncer au message chrétien et au caractère unique de l’Évangile, mais de le vivre en dialogue avec les hommes et femmes de notre temps, au milieu des cultures de notre temps, notamment celle des jeunes. Je trouve aussi que le fait qu’il célèbre sa première messe publique le jour de la Saint Joseph, saint patron qui veille sur toute l’Eglise, est un signe vraiment fort.

 

Père Nicolas SteevesLe P. Nicolas Steeves est jésuite depuis 2000. Diplômé d’HEC et ancien avocat au Barreau de Paris, il a été aumônier à HEC et au Lycée Sainte-Geneviève (Versailles) de 2006 à 2008. En parallèle de ses études (Paris, Londres et Rome), il a collaboré à Radio Vatican pendant 5 ans. Actuellement, il écrit une thèse de doctorat en théologie sur le lien entre la foi et l’imagination (Centre Sèvres) et travaille à l’église Saint-Ignace (Paris).

 

Liens utiles

Le pape François, sur Eglise catholique
Le site des Jésuites de la province de France 

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Commentaires

A toi la parole.

  1. giacomo says: mars 18, 2013

    vous dites : “Aujourd’hui, un certain nombre de jésuites font un vœu spécial d’obéissance au pape dans leurs missions”, est-ce à dire que tous ne le font pas ? Il y aurait donc des jésuites plus obéissants et plus disponibles que d’autres ? c’est étrange votre affaire… c’est étrange comme manière de vivre la fraternité et l’humilité entre vous : il y a les plus obéissants et les moins obéissants… cela me laisse songeur…

    • Père Nicolas Steeves, sj says: mars 19, 2013

      Oui, cher Giacomo, il y a des jésuites qui ne font pas le quatrième voeu : les frères, notamment, mais aussi certains prêtres, qui ne font que les trois voeux de pauvreté, chasteté, obéissance. En fait, dès la fondation de la Compagnie de Jésus, saint Ignace a prévu dans les Constitutions de la Compagnie que seuls certains sont appelés à faire le “quatrième voeu”. C’est le Père général qui décide, après une dernière année de formation spirituelle, dite “Troisième An” ou “Ecole du coeur”, qui est admis à être “Profès”, c’est-à-dire, à faire les quatre voeux solennels. Les critères pour l’admission à la “Profession” des quatre voeux sont les connaissances en théologie, les vertus, le sacerdoce, l’âge, etc. C’est une question parfois douloureuse, mais le pape Paul VI a reconfirmé fin 1974 que c’était structurel pour la Compagnie de Jésus. Ca ne veut pas dire que les compagnons profès ou non sont “plus obéissants” ou “moins obéissants” à leur supérieur local et général : c’est un voeu de disponibilité directe envers le pape.

      • giacomo says: mars 20, 2013

        merci de vos explications mais donc je comprends que parmi vous il y a des jésuites disponibles et d’autres qui le sont moins en plus d’être prêtre ou pas prêtre. Étrange votre affaire, ça me rappelle vaguement les différences de classes que j’avais entendu dire chez les moines avec les convers qui je crois étaient interdis d’aller chanter les offices pour rester dans les champs au service des autres… Génial comme système ! Je croyais que c’était fini… Visiblement non. C’est étrange de trouver ça chez des religieux qui, je croyais, cherchaient à vivre la même fraternité entre eux… Je pensai qu’ils cherchaient à rejeter l’esprit du monde pour vivre de l’esprit de Jésus… En fait ça semble plus compliqué et pas si évangélique ou exemplaire que ça… dommage…

        • Père Nicolas Steeves, sj says: avril 3, 2013

          Cher Giacomo, je comprends bien votre préoccupation, mais il ne s’agit pas d’un “système de classes” — même si on ne peut pas nier que le péché de jalousie, d’un côté, ou d’orgueil, de l’autre, puisse faire croire qu’il y aurait une supériorité ou une infériorité entre différentes types de religieux appartenant au même ordre. Avez-vous déjà songé que, s’agissant des moines convers, il y en avait certainement parmi eux qui n’avaient aucune envie de passer leur journée à l’église abbatiale à chanter des psaumes, et qu’ils étaient tout à fait heureux de faire du travail manuel, à l’air libre ? De même, il y a des Jésuites qui préfèrent passer toute leur vie dans la même école ou la même entreprise, pour approfondir leurs relations avec leurs collègues et ceux qu’ils aident, plutôt que d’être disponibles pour être envoyés “n’importe où et n’importe quand” en mission. On ne peut pas nier que parfois, le système des “degrés” dans la Compagnie ait, par le passé, ait été vécu comme un système de classes, mais ce n’est pas du tout ce que Saint Ignace avait en tête quand il a fondé la Compagnie et écrit les Constitutions. Il pensait notamment qu’il fallait des Pères stables pour les collèges, et des Pères “mobiles” pour les missions (à l’étranger ou dans le pays, en itinérance). La différence n’est pas un obstacle à la fraternité, ou ne devrait pas l’être. Il ne faut pas confondre égalité et identité. Après Vatican II, il y a eu une réforme dans tous les ordres religieux pour supprimer les “différences de classe”, sans nier la “différence des vocations et des aptitudes”. J’espère que ça vous éclairera, mais c’est un sujet bien délicat. (En ce qui concerne la conformité à l’évangile, je vous renvoie au fait qu’il y a dans l’Evangile des “disciples” et des “apôtres”, distincts les uns des autres, et que parmi les apôtres, tous n’ont pas la même fonction ou n’ont pas joué le même rôle : Jean, Jacques, Pierre, André jouent un rôle particulier). La vie religieuse, ce n’est pas le lit de Procuste ! On prend les personnes telles qu’elles sont et on essaie de les aider à donner le meilleur d’elles-mêmes — ce qui n’est pas toujours facile !
          Bonnes fêtes de Pâques, le Christ est ressuscité !

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