Skip to content

Jésuite en mission à l’île Maurice

Publié par jeunescathos le 4 mai 2015 - A la Une, Evangélisation, Vie Consacrée, Vie de l'Eglise, Vocations

Annoncer l’Évangile en milieu populaire ou « l’inculturation en île Maurice »

 

OLYMPUS DIGITAL CAMERAJésuite depuis huit ans, j’ai été envoyé en septembre 2013 à l’île Maurice pour y vivre ce que nous appelons, dans la formation jésuite, la « régence » : un stage pastoral de deux ans, décisif pour l’intégration dans le « corps » que forme la Compagnie de Jésus. Désireux de découvrir d’autres horizons culturels que ceux auxquels j’ai été jusque-là plus familier (la France, et surtout Paris), je fus heureux de la confiance dont témoignèrent mes supérieurs à mon égard en m’envoyant sur ce petit bout de terre émergeant du vaste océan indien, sous la juridiction (pour les jésuites) de la Province de France depuis 1987.

Se faire Mauricien parmi les Mauriciens

OLYMPUS DIGITAL CAMERASi l’essentiel de mes missions se trouve dans le champ de la pastorale des jeunes, la diversité des situations requiert de la souplesse car il s’agit pour moi d’être en relation de manière différente avec de nombreuses personnes, ce qui en soi est stimulant : il s’agit de se « fondre » dans le paysage ecclésial diocésain et d’y partager, quand je le peux, les trésors de la spiritualité ignatienne (celle des jésuites), comme j’ai par exemple eu la chance de le vivre récemment, en accompagnant 5 retraitants pendant une retraite de 8 jours. Être étranger en mission me place fréquemment en décalage culturel, ce qui est à la fois éprouvant (par exemple quand les personnes parlent un créole plus « haché » que celui qu’on m’a enseigné) et une chance : mes efforts pour me rendre plus « mauricien parmi les Mauriciens » me valent une sorte de curiosité bienveillante et sympathique, qui me permet d’être peut-être davantage écouté que ne le seraient des autochtones.

Le défi du vivre-ensemble

OLYMPUS DIGITAL CAMERAEn toile de fond de cette vie nouvelle, la découverte d’un pays à la fois attachant (ne serait-ce que pour le climat, le cadre de vie…) et complexe : l’étonnante composition de la petite société mauricienne (1,3 million d’habitants) juxtapose des communautés issues d’Europe, d’Afrique (les descendants des familles d’esclaves : la communauté créole), un tout petit peu de Chine, et énormément de l’Inde. Si la coexistence pacifique est réelle, je constate que le vivre-ensemble est un défi sans cesse remis sur l’établi : un horizon permanent, pour esquiver les tensions nées du regard parfois biaisé porté sur celui qui ne vient pas du même monde que soi.

Mon regard d’étranger, sans doute naïf, m’aide à poser les « grosses questions qui fâchent » et à débattre ensemble : une autre manière d’être apôtre mais suivant la même finalité, celle de faire advenir un monde de justice et de paix à l’image de celui que le Seigneur a désiré pour tous les hommes de ce monde.

L’Eglise, lieu de fierté du monde créole

OLYMPUS DIGITAL CAMERAUn de mes étonnements vient de la découverte de la vitalité de la foi populaire dans ce pays. Il faut dire que l’Église a longtemps été un lieu de fierté identitaire pour le « monde créole » : en gros, les 30 % de la population originaire des descendants d’esclaves venus d’Afrique, depuis le XVIIème siècle, ainsi que la toute petite minorité de « Blancs », leurs anciens maîtres… À « une Église de Blancs » a succédé peu à peu, lors des dernières décennies, une Église très préoccupée par la promotion et la défense de l’identité créole, face aux contingents originaires de l’Inde, très marqués par l’hindouisme, qui constituent la majeure partie de la population et à qui ont été confiés la plupart des responsabilités économiques et politiques du pays depuis son indépendance en 1967.

Vivre une foi plus simple

OLYMPUS DIGITAL CAMERAEn France, les jeunes fidèles auprès desquels j’ai été envoyés ont souvent été formés à l’esprit critique, au point de tout remettre en question. Leurs études (souvent longues), leurs diplômes les ont poussés à conceptualiser, analyser, discuter, mettre en idées… Vivant à Maurice, je suis le témoin d’une foi et d’une pratique plus simples, spontanées… Parfois, même dans des foyers modestes, des étagères, meubles, voire des pièces entières de la maison sont réservées à des objets de dévotion : cartes, chapelets, icônes, statues… Comment ne pas être touché par ces marques de grande et sincère piété ? Cette ambiance est heureuse mais propose d’autres défis. Heureuse parce que la population « suit » volontiers les propositions et initiatives que formule l’Église. Néanmoins, le défi est de poursuivre… l’évangélisation.

Les limites à la piété populaire

En effet, si le pape François nous aide (dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium entre autres) à voir ce qu’il y a de fécond dans la piété populaire, la mission n’en est pas moins ardente dans ce milieu. Il s’agit parfois de « purifier » la foi de ce qu’elle peut avoir de mêler à la superstition, la peur d’esprits de toutes sortes… Surtout, dans ce terreau, il convient de poursuivre un effort pour rendre la Parole de Dieu accessible aux personnes, et de leur faire accueillir que le Dieu dans lequel nous croyons nous aide à nous tenir debout, à même d’utiliser toutes nos capacités, notre intelligence, notre jugement. Trop souvent, Dieu est invoqué comme un « bouche-trous » (expression que j’emprunte au grand pasteur Dietrich Bonhoeffer) quand l’avenir s’annonce incertain ! Et quand son nom est invoqué, il ne remet pourtant pas en cause une attitude régulièrement fataliste, résignée, face aux aléas de l’existence auxquels nous sommes tous confrontés.

« La gloire de Dieu c’est l’homme vivant »

OLYMPUS DIGITAL CAMERASe souvenir que « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant », comme dit saint Irénée (IIème siècle), qu’Il nous invite à prendre en main notre vie, à poser des décisions fortes, des engagements qui tiennent… Vaste perspective universelle qui prend un écho particulier sur cette petite île, où les mentalités sont encore marquées des séquelles d’une soumission « naturelle », liée à la pratique de l’esclavage. Digérant le passé (cela prend des générations), ensemble, nous regardons dans la même direction.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

 

 

Romain, 34 ans

 

 

 

 Lire aussi :
La CVX, un chemin de vie !
Qui est Pierre Favre, jésuite ?

 

Articles liés

Ces articles peuvent t'intéresser.

Commentaires

A toi la parole.

  1. thadarth says: mai 4, 2015

    très Intéressant mais superficiel hélas
    Il est difficile dé faire autrement me semble t’il dans une première approche .
    nous souhaiterions au delà de ce compte rendu à caractère “général” quelques récits des activités de Romain en milieu Mauricien , les problèmes de communication qu’il rencontre , les difficultés qu’ils essaient d’éviter , un aperçu des questions qui fâchent que dans sa “naïveté” !! il pose et ses rapports avec la communauté indoue

  2. Subtil says: mai 27, 2015

    Merci Thadarth de votre réaction, qui manifeste votre intérêt pour ce que j’ai essayé de partager. Mon témoignage est sans doute un peu « lisse », de fait. Sans être exhaustif, quelques aspects, pêle-mêle de ce qui continue de me frapper.

    1) Ici, l’école semble donner, comme modèle de réussite, la capacité à régurgiter des savoirs appris par cœur. Cela encourage une compétition féroce entre élèves dès le plus jeune âge, ce que je ne crois pas être très sain, mais surtout cela n’aide pas les personnes à développer leur esprit critique, à essayer de se faire une opinion personnelle, à se poser des questions… (Un signe, par exemple : le modeste enseignement en philosophie que reçoivent des jeunes Français dans les filières générales n’existe pas ici). Beaucoup de personnes sont dans la « reproduction » de ce dont ils sont les témoins mais le « progrès » ne semble pas être la préoccupation majeure ici. Cet aspect est complexe car touche à l’esprit fataliste et de résignation, bien implanté et lui-même découlant de l’Histoire qui, en raison de la pratique de siècles d’esclavage, a déraciné des millions de personnes et rendu trouble le rapport de leurs descendants à leurs origines… Je me rends ainsi compte que mon rapport à l’Histoire, à la temporalité est différent de celui des gens que je rencontre. Les notions mêmes d’ « Histoire », d’ « historicité », forgées par l’homme européen et importées ici, sont des outils dont le maniement n’est pas, ici, toujours aisé. Pour l’homme créole, le rapport au passé et à l’avenir importent peu, seul compte un « gros présent ».

    2) La vie politique : des élections générales en décembre dernier ont opposé deux alliances de partis politiques. Il m’était très difficile de comprendre sur quels critères les électeurs pouvaient exercer leur choix en faveur d’une alliance plutôt qu’une autre. Poser cette question des critères ressemblait à une de mes « grosses questions naïves » : l’air entendu, les citoyens m’expliquaient tranquillement qu’il n’y avait que peu de différences, que les camps en présence conduiraient peu ou prou la même politique mais que les distinctions s’opéreraient en fonction de « qui avait fait allégeance à qui ? », selon des raisonnements claniques et dans lesquels la corruption n’était pas absente. Vu nos mœurs françaises, je crois que nous n’avons pas de leçons à donner aux autres car ces pratiques existent aussi chez nous, bien sûr, mais il me semble que, même si le gouvernement des personnes et des choses devient de plus en plus une « gouvernance techniciste », il y a quelques grands sujets « clivants » sur lesquels nous pouvons faire des choix : construction européenne, politique migratoire, mariage, etc.

    3) Je n’ai finalement que peu de contacts avec les personnes de foi hindoue. Je les vois, voyage à côté d’elles dans le bus, etc. mais n’ai pas de relation approfondie. Pour avoir discuté avec des Mauriciens investis dans le dialogue inter-religieux (institutionnalisé ici), je me rends compte de certaines difficultés structurelles dans le dialogue même. Il est difficile d’avoir un interlocuteur ayant une légitimité pour parler « au nom de l’ensemble » des Hindous (même chose avec les Musulmans). Ces deux ans me permettent donc de (re)voir l’Église catholique (sa structure, sa hiérarchie etc. que nous sommes peut-être prompts à juger, jauger avec un regard pas toujours bienveillant) comme un véritable cadeau qui soit au service de l’élan missionnaire de ses membres. D’ailleurs, c’est l’Église qui est assez motrice dans le dialogue ; en cela je me réjouis qu’elle soit fidèle au cœur de sa mission, en étant « aux frontières », en étant en dialogue avec celles et ceux qui n’en sont pas. J’ai par exemple suivi un cours sur « les grandes religions à Maurice » : typiquement, il me semble que si ce n’était pas de l’université publique, l’initiative de proposer un tel cours ne pouvait venir que de l’Église (même si je suis évidemment loin de connaître l’intégralité des formations que proposent les autres confessions du pays).

    Sur ce sujet, il est intéressant de reconnaître la place dévolue à l’Église, liée à la naissance et au développement économique du pays dans les siècles passés, dans ce pays à majorité hindoue. Comme en Inde, les autorités civiles louent son rôle, notamment dans l’éducation, et lui confient volontiers sa progéniture… Ainsi le 25 août, jour de la Saint-Louis, une grand-messe solennelle rassemble à la cathédrale de Port-Louis (la capitale) les plus hauts membres du gouvernement, majoritairement hindous. La marque étonnante d’une alliance entre le passé et le présent de ce petit pays qui n’a pas fini de me surprendre !

  3. Georges TERASAWMY says: juillet 25, 2019

    Je saurai infiniment redevable de me parvenir la liste complete des jesuites de 1861 a nos jours. et si possible avec date de naissance et deces, ordination et origines. J’ai l’ouvrage de jesuite de Pere Stephane Nicaise et qq bouquin de Mgr Nagapen , mais grandes choses sur la liste chronologique de jesuites. A mon iniative, nous erige une stele dans la cours de la chapelle de Ste Anne Bonne-Mere avec une liste des noms des jesuites en signe de reconnaissance de notre foi, grave sur marbre. Les noms selon le recit de mon grandpere qui etait cathechiste et auxiliaire des Pere Louis Nalletamby et Arokiasamy Adaikalam. Feru d’histoire surtout de missionnaires jesuites l;information recherchee m’est sera grandement utile pour la posterite. Respectueuses Salutations, mon pere. GeorgesTERASAWMY.

Ajoute un commentaire

Prends la parole !