Estelle, 31 ans : La COP21 se prépare aussi dans l’Eglise
Estelle, 31 ans, est arrivée début mai à la Conférence des évêques de France en vue de la COP21, conférence sur le climat à Paris en décembre 2015. Au lendemain de la sortie de l’Encyclique Laudato Si du pape François, elle nous explique pourquoi l’Eglise de France choisit de s’engager dans le sillon des préparatifs de la COP21, et d’interpeler les chrétiens sur la sauvegarde de la création, en invitant à un chemin de conversion vers une sobriété heureuse avec l’adoption de modes de vie plus respectueux de l’environnement.
Actuellement, la COP21, pour beaucoup dans les esprits, est un événement intergouvernemental, donc politique et scientifique. Or, l’Eglise souhaite porter un regard singulier sur la question du réchauffement climatique.
Il n’est pas du ressort de l’Eglise de parler de climat à proprement dit, mais il est du ressort de l’Eglise de parler du développement de la vie spirituelle, de la sauvegarde de la création et de la justice climatique ou solidarité envers les plus défavorisés, victimes des changements climatiques.
La vie spirituelle
Dieu nous a confié la création et nous a élevés gardiens de cette création et chargés de la cultiver. L’Eglise rappelle que le don que Dieu nous a confié (la création) est à transmettre de générations en générations : le temps que nous sommes chacun sur terre, nous avons notre part de responsabilité dans cette sauvegarde de la création.
La sauvegarde de la création
Même si c’est difficile à accepter, de fait, la manière dont l’homme vit depuis un certain nombre d’années a des effets sur les émissions de gaz à effet de serre de la planète. L’Eglise rappelle que la façon de vivre des citoyens a un impact. La contemplation de la création dont nous sommes dépositaires nécessite d’en prendre soin, par le changement de nos modes de vie et le développement de la sobriété.
La justice climatique ou solidarité envers les plus défavorisés
Les principales victimes du réchauffement climatique sont de fait les plus pauvres, alors que ce ne sont pas ceux qui ont causé l’état actuel de la terre[1]. Il faut savoir qu’il y a dans le monde trois fois plus de réfugiés climatiques que de réfugiés liés à des conflits (selon l’Institut norvégien sur les migrations internationales[2]). L’Eglise universelle, sans frontières, est touchée par cette profonde injustice, elle se sent concernée (depuis toujours) par la situation des plus vulnérables.
Être chrétien c’est servir son prochain : son prochain qui voit ses récoltes diminuer car ses terres sont de plus en plus sèches, son prochain qui aux Philippines vit des tornades de plus en plus dramatiques, son prochain qui ne peut plus vivre où il vit actuellement … tout cela ne peut que préoccuper les chrétiens.
Ces trois axes montrent que l’Église ne peut pas être à côté de ces questions. Elle saisit l’opportunité de la COP21 pour rappeler ce qui fait le sens de la vie de l’homme sur terre : le fait qu’il est seulement de passage et qu’il est responsable de laisser la terre en héritage aux générations futures, dans la contemplation. Comme disait Gandhi, « la terre contient assez pour les besoins de tous mais pas pour l’avidité de chacun. »
Quelle voix veulent porter les religions ?
Il y a un vrai plaidoyer à mener auprès des politiques. Les représentants des six religions de France rencontrent d’ailleurs François Hollande le 1er juillet. Nicolas Hulot, l’un des référents missionné par François Hollande sur ces questions, est convaincu que seules les religions peuvent porter le débat un peu plus haut au-delà des clivages politiques et élargir les enjeux environnements dans une vision plus universelle.
C’est une formidable occasion pour l’Eglise de travailler avec la société civile. La COP21 n’est pas que gouvernementale, les initiatives citoyennes prennent le relai et l’Eglise fait partie de cette dynamique porteuse.
L’écologie et la politique
L’écologie dépasse en effet tous les clivages politiques. . Les chrétiens ont quitté le terrain de l’écologie car elle a été ‘récupérée’, ils ne se sont pas retrouvés dans le ‘tout liberté’, mais contrairement à l’image qu’on en a, communément assimilée au ‘Verts’, l’écologie n’appartient à proprement dit à aucune famille politique.
L’écologie humaine, qui prend en considération toute l’essence de ce qui fait l’homme, de sa naissance à sa mort, dans sa manière de vivre l’amour, de se nourrir, de se vêtir, de ne pas opposer l’homme et la nature, sans sacraliser la nature pour autant, devrait se retrouver dans tout parti politique !
La contemplation de la nature
« La nature peut vivre sans l’humanité, mais l’humanité ne peut pas vivre sans la nature», souligne Nicolas Hulot. Le Cantique de la Création de saint François d’Assise replace bien l’homme au milieu de cette nature.
Personnellement, mes plus grands moments de communion avec le Seigneur sont bien ceux où je suis aussi en communion avec la nature et les autres. Quand je suis dans la nature qui éclot, avec toutes ces couleurs, ou que j’assiste à la beauté d’un rayon de soleil à travers un vitrail… j’ai encore plus envie de louer Dieu ! Voir à quel point la création est belle, je ne peux pas croire que ce ne soit pas l’œuvre du Seigneur. Goûter les premières cerises, boire de l’eau après une marche… Ça, c’est accessible à tout le monde. Face à la nature, il n’y a plus de riches ni de pauvres.
Comment en arrive-t-on à travailler pour la CEF ?
Attachée à mon pays (qui a accepté d’accueillir la conférence climat), à ma ville et avec une forte fibre écologique, j’avais la conviction que je voulais travailler pour la COP21, cet événement porteur de solution, d’espérance et de travail collaboratif. Et si en plus c’est pour l’Eglise, cela réunit tout ce que j’aime ! Et c’est aussi un gros challenge. Tout ce que j’ai fait dans mon parcours trouvait là son sens et allait pouvoir être mis au service d’une cause qui me dépasse.
Je repère trois engagements qui m’ont confortée dans ces convictions. Tout d’abord, mon expérience de nettoyage de berges de fleuves, avec « Organe de sauvetage écologique ». La protection de la création abîmée nous a amenés à prendre soin des hommes qui l’habitent et qui vivent dans des conditions de pauvreté impressionnantes. Cela m’a permis de mettre en lien protection de l’environnement et pauvreté. On ne pouvait pas laisser des familles, souvent des roms vivre ainsi au milieu des déchets. On les a associées au nettoyage et des liens de fraternité, d’une force insoupçonnée, se sont créés avec eux.
Ensuite, il y a eu Diaconia 2013, où j’ai participé à la rédaction d’un Livre des fragilités et des merveilles. Cela a ajouté à mon envie de travailler pour l’Eglise. Et je me suis vraiment retrouvée à l’attention de celui qui est caché dans la société, au plus petit d’entre nous.
Enfin, mes missions de solidarité en Afrique de l’Ouest pour favoriser l’accès à l’énergie dans des villages, m’ont permis de constater une nouvelle fois le lien entre environnement et humanité : il n’y a pas de dichotomie. Ça a remis en perspective ma définition du développement. Là-bas ils sont pauvres mais il y a de forts liens sociaux, beaucoup de fêtes alors que dans nos sociétés développées, les relations peuvent être très pauvres. Cela m’a recentrée sur l’essentiel. Et ça m’a fait des électrochocs de réaliser que d’autres populations peuvent souffrir de nos façons de vivre. La façon dont j’achète, dont je me déplace a un impact. Sans pour autant tomber dans l’austérité, je peux m’interroger sur mon mode de vie afin d’être plus solidaire. Nous avons un vrai devoir de fraternité. Je ne veux pas faire honte à des personnes qui vivent à moins de 2$ par jour.
Travailler dans l’Eglise
En arrivant dans une institution comme l’Eglise, ce qui est très bon, c’est de voir derrière le mot ‘Eglise’ des hommes et des femmes, chacun avec sa vie personnelle, son parcours – cela l’humanise – et fait prendre conscience de la grande diversité des sensibilités. Sur les questions d’écologie, certains évêques sont très réactifs, d’autres plus distants.
En arrivant dans l’Eglise, j’ai découvert en peu de temps une vraie bienveillance, une forme d’entraide. Nous ne sommes pas seulement des salariés mais d’abord des hommes et des femmes. Certaines personnes sont très engagées, ce sont des gens qui n’ont pas lésiné dans leurs prises de position ni dans leurs actes. Mais ce qui est précieux c’est de constater l’attention à la parole de l’autre même lorsque nous ne sommes pas d’accord.
J’ai été également surprise de la place des jeunes à la Conférence des évêques de France. Ici, on ose leur donner de la place, les mettre en responsabilité au service de l’Eglise. Il y a une confiance, et c’est vraiment précieux.
Ma mission
Ma mission est de coordonner les événements qui vont avoir lieu en lien avec l’Eglise en vue de la COP21 et de faire porter une parole commune à l’Eglise, tout en veillant à rendre plus audible l’appel à une conversion ‘écologique’ avec des exemples d’actions en vue de convertir des modes de vie, sans être alarmiste ni anxiogène mais en étant porteur d’espérance.
Mon espérance pour la COP21
Bien sûr j’aimerais que les Etats se mobilisent et que des accords soient pris pendant la conférence climat mais cela me dépasse de trop. Je porte plutôt mon espérance sur la mise en mouvement. L’encyclique du pape François en est la première étape. Ce qui me réjouirait, c’est qu’il y ait de petits et grands changements : dans les paroisses, les structures d’Eglise, les jeunes en responsabilité qui décident de modifier tel ou tel fonctionnement… La COP21 apporte une grande dynamique collective qui ne peut être que fructueuse.
Mais ma plus grande espérance, c’est que puissions rendre Dieu fier de nous. Qu’Il puisse se dire « Ca a y est, ils ont ouverts les yeux ! » (rires). Comme dit le pape François dans son Encyclique Laudato Si : « Nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant, et pour qu’elle réponde à son projet de paix, de beauté et de plénitude. » Laudato Si 53
[1] Article Emission de gaz à effet de serre dans le monde
[2] Article Enjeux énergies
Estelle, 31 ans
Lire aussi :
« Laudato Si » ou l’écologie intégrale : le pape François t’invite à la conversion
« Laudato Si » : une encyclique qui va toucher les jeunes ?
Les Assises chrétiennes de l’écologie
Qu’est-ce que la COP21 ?
Dossier d’eglise.catholique.fr sur la COP 21
Jeûner pour le climat ?
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Commentaires
A toi la parole.
Merci Estelle. Cette encyclique du Pape François est une vraie bonne nouvelle !
J’espère que les chrétiens vont faire bon accueil à cet merveilleuse encyclique de lecture très accessible, qui nous invite à respecter la création par un changement personnel de comportement et une consommation plus responsable et sobre. Chacun peut contribuer à la respecter, pour le plus grand bien des générations à venir.
Michel
Quelle Homme ce pape !
Oups … “quel” Homme ce pape François !!!