Comment vivre l’interreligieux ?
Retrouvez deux mercredis par mois des réponses aux questions que vous vous posez sur la foi, sur l’Eglise. Et posez-nous vos questions !
L’intention de prière universelle du pape François pour le mois de janvier 2016 porte sur le dialogue interreligieux et la paix : “Pour que le dialogue sincère entre les hommes et les femmes de différentes religions porte des fruits de paix et de justice.” A cette occasion, Laure Pastoureau évoque avec nous la question du dialogue interreligieux.
Petit rappel: on parle d’oecuménisme pour désigner le dialogue entre chrétiens, c’est-à-dire entre catholiques, orthodoxes, protestants et anglicans (A noter : du 18 au 25 janvier a lieu la Semaine pour l’Unité des Chrétiens). Les relations avec le Judaïsme, l’Islam, le Bouddhisme, l’Hindouisme… sont de l’ordre du dialogue inter-religieux (DIR).
Notre foi catholique nous appelle à rencontrer les croyants des autres religions
Nous croyons, nous chrétiens, à un Dieu créateur qui s’est révélé à nous Un et Trinité : Père, Fils et Saint Esprit. Ces 3 noms sont des noms de relations. Nous croyons à un Dieu qui est relation d’amour en lui-même et qui nous a créés à son image en vue de sa ressemblance (Gn 1, 26). Par notre baptême nous devenons enfants de Dieu et sommes appelés à la communion, avec Dieu et avec tous les autres. La communion n’est pas fusion ni unanimisme, elle intègre la différence dans un respect réciproque. Le progrès spirituel n’a pas d’autre vérification que notre capacité d’aimer. Capacité de découvrir l’autre comme une intériorité, aussi mystérieuse et profonde que la mienne. Capacité de reconnaître la différence comme voulue par Dieu (O. Clément).
Marcher ensemble – le sens d’une communion au coeur des différences
Comme le disait une sœur xavière, «il ne s’agit pas de chercher à converger, mais de marcher ensemble». C’est une perte de temps de vouloir rapprocher des doctrines inconciliables mais on peut garder le souci du dépassement de chacun, sur la voie du salut, en cherchant ensemble « le sens d’une communion au coeur de nos différences » (Christian de Chergé). Plus nous deviendrons nous-mêmes en tant que chrétiens, plus nous pourrons accueillir l’autre avec sa différence et plus nous serons respectés.
Les 4 voies du dialogue inter-religieux et 1 principe absolu
Le principe absolu du DIR (dialogue inter-religieux) est de ne pas chercher à convertir l’autre. Si ce principe n’est pas respecté d’un côté ou de l’autre, ce n’est pas la peine de poursuivre. Les 4 voies du DIR sont :
– l’amitié et l’entraide au quotidien. Cela peut paraître rudimentaire mais s’avère en fait primordial.
– l’action commune dans des projets d’entraide, de justice, de paix.
– le partage d’expérience spirituelle, l’échange sur ce que l’on vit dans sa relation à Dieu
– l’échange théologique sur les sources, la tradition et l’interprétation des textes. Ce domaine est plutôt réservé à des personnes formées en théologie.
Vivre des rencontres inter-religieuses
Je préfère parler de rencontres inter-religieuses plutôt que de dialogue. C’est plus accessible dans le quotidien d’un jeune. On peut croiser des personnes d’autres religions, par exemple en cours ou au travail, mais la vraie rencontre consiste à poser le choix de passer un moment ensemble. L’organisation d’une telle rencontre peut se faire autour d’un repas, une partie de foot, un ciné, une rando, un karaoké improvisé … une activité, simple prétexte, qui convienne un peu à tout le monde.
S’ouvrir à la rencontre en mettant de côté ses peurs et ses préjugés
Il peut y avoir des peurs instinctives à l’idée de rencontrer une personne différente, surtout si on vient d’un environnement plutôt uniforme. Prendre conscience de ses a priori permet déjà de commencer à s’en libérer. Pour faire le premier pas d’une rencontre qui engage, on peut s’appuyer sur quelqu’un qui a un peu d’expérience ou passer par une association, comme Coexister. La rencontre inter-religieuse se vit souvent à plusieurs. Ouvrez-vous à ces rencontres tant que vous êtes jeunes ! Profitez de la souplesse de la jeunesse, de son ouverture d’esprit. Vous participerez alors à l’avènement du Royaume de Dieu. Car nous n’avons pas reçu la foi pour nous replier sur nous-mêmes mais pour participer à la vie divine et trinitaire (2 Pi 1, 4-8). La rencontre inter-religieuse est donc motivée par plus que des valeurs humaines : c’est une démarche spirituelle portée par la foi à la suite du Christ « lumière des nations » (Jn 8, 12), au souffle de l’Esprit.
Les fruits des rencontres
Des rencontres, aussi simples soient-elles, naissent une reconnaissance de l’existence de l’autre, et une certaine connaissance de ses préoccupations et de ses attentes. Dans un groupe, dans une société, il est indispensable de se sentir un minimum reconnu par son voisinage tel que l’on est, avec sa différence. La rencontre ou l’entraide font naitre une confiance mutuelle qui pacifie. La rencontre de l’autre permet aussi de sortir peu à peu des discours stéréotypés qui sont sources de tension. En clair, les blagues racistes ou les petites phrases méprisantes n’ont pas leur place chez un chrétien.
Les risques des rencontres inter-religieuses
Qui s’ouvre à l’autre doit se préparer à mourir à soi-même, à son ego, à renoncer à tout maîtriser. La rencontre est source de conversion de soi-même. Prendre le chemin de la rencontre, avec ses hauts et ses bas, c’est aussi accepter d’affronter incompréhensions et difficultés. Mais en y travaillant, on se rapproche de Dieu, créateur de tous les hommes. Et souvent, les plus grandes difficultés dans le dialogue inter-religieux sont à l’intérieur même de sa propre religion. Si on est déçu par une rencontre, il ne faut pas forcément assimiler une religion aux quelques personnes qui m’ont déçu(e). Un groupe, un quartier n’est pas représentatif d’une religion. Nous pouvons le constater déjà dans la religion catholique qui revêt un arc-en-ciel de sensibilités. Il faut aussi prendre en compte le poids de l’héritage historique ou social qui peut gêner les échanges, surtout au début.
Le témoignage
En général, on se souvient d’une rencontre forte et on en parle autour de soi. Elle ne profite donc pas qu’à nous. Par exemple, longtemps je me souviendrai du déjeuner afghan préparé et partagé avec Momo. Nous étions chez Françoise, paroissienne qui nous avait invités. Momo est venu avec un ami réfugié afghan, comme lui, et moi avec Emma qui est une amie juive. Elle est allée prier avant à la synagogue car c’était samedi et jour de shabbath. Françoise est allée acheter de la viande hallal. Nous étions tous super contents de vivre ce partage d’un délicieux repas hallal, un jour de shabbath, chez une paroissienne. C’était un moment bien simple mais très fort symboliquement. Pour goûter dans toute leur mesure les rencontres inter-religieuses, il est bon d’avoir le sens du symbole.
La Miséricorde
N’oublions pas que Jésus est mort sur la croix pour rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés (Jn 11, 52). Dans les 3 monothéismes, Dieu est perçu comme Miséricorde, c’est une qualification première de Dieu. Notre cher pape François a ouvert le 8 décembre l’année de la Miséricorde. Alors voici une proposition : tout en faisant la démarche de franchir la porte de la Miséricorde, et si je faisais aussi le pas cette année d’une rencontre inter-religieuse ?
Laure Pastoureau, licenciée de théologie
Voir aussi :
Qu’est-ce que le dialogue interreligieux ?
La vidéo du pape – Intention de janvier
Commentaires
A toi la parole.
Avec plusieurs amis juifs et chrétiens de la région “Provence”, nous sommes en train de travailler sur un projet de “Week-end Découverte du judaïsme” à côté d’Avignon.
Nous avons planifié une session le week-end du 22 et 23 avril et une deuxième les 24 et 25 juin. (le programme est plus ou moins le même pour les deux sessions)
Plusieurs intervenants sont partants pour cette “première” : le Père Louis-Marie Coudray, (directeur du Service National pour les Relations avec le Judaïsme de la Conférence de évêques de France), Edouard Robberechts (Maître de conférences en philosophie juive), Maurice Aziza (communauté juive de Toulon), Liliane Marguliès (communauté juive de Marseille), le Père Dominique Cerbelaud (auteur notamment de « Ecouter Israël : une théologie chrétienne »), le Père Jean Philibert, Thierry Colombié (organisateur des sessions “Découvrir le judaïsme” à La Hublais dans le diocèse de Rennes).
Vous pourrez voir sur notre petit blog que nous avons fait en sorte que le prix ne soit un obstacle pour personne : https://notresourcejuive.wordpress.com
Concernant les thèmes, nous souhaitons éviter les sujets trop érudits et plutôt proposer une sorte de “bain dans l’esprit du judaïsme” avec tout simplement l’étude de la parasha du shabbat, une petite initiation à l’hébreu, un rappel des relations entre l’Eglise et Israël depuis Vatican II, une réflexion sur l’identité juive de Jésus… (le programme n’est pas encore définitif)
Il sera difficile de satisfaire à la fois les habitués du dialogue judéo-chrétien et les néophytes. C’est à ces derniers que nous souhaitons donner la priorité : ce qui sera aussi important (voire plus) que les sujets abordés, ce sont les questions posées par les chrétiens ignorant tout du judaïsme. Et ce qui sera aussi essentiel, ce sont les rencontres au cours des repas et en se promenant dans le Sanctuaire de ND de Grâce entre deux conférences.
Aimeriez-vous participer à l’un des deux week-ends prévus ? Si vous nous donnez une première réponse par retour de mail (en précisant la date du week-end choisi), cela nous permettrait de nous faire une petite idée du nombre de participants qui envisagent de venir et ainsi de consolider ce projet déjà bien avancé.
Et puis, comme c’est tout nouveau et que rien n’est fixé, n’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions.
En vous souhaitant une belle année 2017,
Les organisateurs,
Pierre Orset
weekendjudaisme@laposte.net
et Sœur Marie de la Nativité
notredamedegrace@laposte.net