JMMR 2017 : Prions pour les migrants vulnérables et sans voix
Ce dimanche 15 janvier 2017 a lieu la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié (JMMR). Elle a été instaurée par Jean-Paul II en 2004 “afin que nous puissions être aidés à vivre ensemble devant Dieu – au même moment – un jour de prière, d’action et de sacrifice pour la cause des migrants et des réfugiés”.
Alors que le Pape François nous invite à prier cette année particulièrement pour les migrants mineurs, le blog Jeunes Cathos donne la parole à de jeunes femmes réfugiées que les petites soeurs de l’Agneau ont rencontrées à plusieurs reprises dans un camp du Pas-de-Calais.
«Le jour de Pâques, j’étais sur la mer, en Méditerranée. Et avant, c’était le Soudan, la Libye, c’est très dur la Libye… Comme on est chrétiens, on cherche à nous tuer, il faut se cacher pour ne pas être tué… J’ai passé dix ans dans l’armée en Erythrée, mes quatre sœurs, mon frère et mes parents y sont encore…» Dans une baraque en planches surpeuplée, Salina dépose quelques bribes de sa vie, elle n’a que 26 ans.
Comme ses compagnes, elle est venue par l’Italie, a traversé la France jusqu’à ce petit camp de réfugiés, près de Béthune (62). Nous sommes en bordure de l’autoroute qui file vers Calais… là où par beau temps on voit l’Angleterre, rêve de tous ces migrants.
Cette nuit, de nouveau, Salina tentera sa chance en essayant de monter dans un camion, Dieu seul sait à quel prix. Le petit camp, près du parking de l’autoroute, nous est devenu familier…
PERDUES AU MILIEU DES CHAMPS
La première fois, pour le trouver, nous avons suivi ces hommes et ces femmes qui s’égrainent le long de la route par grappes, portant des sacs en plastique.
Nous avons mis nos pas dans les leurs, sur un petit chemin plein de boue, et avons découvert le campement, caché derrière un bosquet : quatre baraques plantées en plein champ, une tonne d’eau, un feu de bois, une vieille caravane marquée d’une croix rouge indiquant une infirmerie plus que rudimentaire…
Entre 100 et 150 personnes se réfugient ici, sur leur chemin d’exode. La plupart viennent d’Erythrée, quelques uns d’Ethiopie ou du Soudan. Ils sont rescapés, après des mois ou des années d’errance, soumis à la prison, parfois à la torture, aux rançons…
BRULANTE EST TA PAROLE
Tout de suite nous sommes accueillies par les femmes comme leurs sœurs et leurs amies. Les regards quêtent notre regard, et nous parlent par un sourire grave, et beau, si digne et si profond, qui en dit plus que tous les mots que nous n’avons pas. C’est le langage du cœur, une communion profonde en Jésus-Christ.
Sans un mot, Sara nous sert du thé chaud, versant l’eau d’une bouilloire noircie par le feu de bois. L’unique assiette est déposée au milieu : c’est le repas d’une dizaine de femmes.
Puis nous proposons de prier ensemble, elles ne désirent pas autre chose : «Pray for us !» nous supplient-elles. Nous lisons l’Evangile, en Anglais, puis l’une ou l’autre traduit en Tigrinya le passage. Tout le monde fait silence dans la cabane. Alors, nous voyons sortir de dessous les couvertures, ou du fond des sacs, la Bible ! Les pages toutes vieillies, la couverture cornée, mais gardée intacte ! Ces femmes nous témoignent que la Parole de Dieu est vraiment le trésor précieux que l’on emporte lorsque l’on quitte tout, le seul … Lue, relue, méditée, et gardée sur tous les chemins, au milieu de la mer et de tous les dangers.
Et aussitôt, comme en réponse, les mains sortent des poches et se mettent à se balancer, à danser au rythme d’une joyeuse louange. «C’est un chant d’amour à Marie» traduit une des femmes. Puis vient un chant vif et impétueux, en l’honneur du grand Archange : «Oh Mickaélé !». Il est puissant, rempli de l’expérience du combat dont ces chrétiens portent la victoire en leur chair. Elles chantent avec allégresse, les yeux clos ou levés vers Dieu. Parfois un cri sonore surgit comme une explosion de joie.
Le chant est repris, revenant comme par vagues, inlassablement. Nous sommes à l’école de la louange, sous la pluie qui redouble. Dieu est là ! Nos amis ne peuvent plus s’arrêter de rendre grâces à Dieu et à son Archange. «Ils viennent de la grande épreuve.» (Ap7,14) «Ce peuple ne peut pas être détruit, car Dieu lui-même y est entré, il s’est implanté dans cette terre.» (Benoît XVI)
UNE MYSTÉRIEUSE SAGESSE
Durant l’hiver, nous sommes retournées régulièrement au petit camp. Souvent, ce ne sont que des têtes nouvelles, il faut s’apprivoiser à nouveau. Cela signifie aussi que nos amies sont passées, ici tout le monde le sait : «Last week, ten girls to England !»
D’autres nouvelles sont parfois très dures. Nous apprenons qu’une nuit, deux baraques sur les quatre ont brûlé, et on ne peut les remplacer. Tant d’injustices et de dureté nous entraînent dans une longue intercession, ici où tout est si intense, la misère et la beauté, les larmes et la joie… Au fil des rencontres, nous recueillons cette «mystérieuse sagesse» qu’ils nous offrent :
– Suzanne, “ celle qui suit Jésus dans l’Evangile”, précise-t-elle, nous partage sa foi avec la force des témoins : «Notre vie est dangereuse, difficile, c’est un combat. Le combat, c’est “la petite vie”, elle est courte, elle peut finir demain… Mais il y a “la grande vie”, la vie avec le Christ. Alors dans le combat il y a la douceur pour l’âme, car on vit déjà dans “la grande vie” !»
– Mercy, qui sait très bien que son nom signifie “miséricorde”, nous supplie de leur offrir une image de la Vierge et une Croix, car le petit sanctuaire a brûlé avec la baraque : «Quand c’est difficile il faut prier, ça peut tout changer !»
– Galilée s’exclame en nous embrassant : « Quand des personnes me font du bien ou me donnent quelque chose, moi je n’ai rien, je ne peux rien leur rendre. Alors je prie pour elles, c’est ma manière de les remercier ! »
– Sion poursuit avec conviction : «Tout vient de Dieu; nous lui rendons grâces pour ce qu’il nous donne aujourd’hui. Tout ce qui t’arrive a un sens. Ta souffrance a un sens pour toi parce Dieu est avec toi ! Tu n’as pas à te demander pourquoi, car Dieu sait pourquoi ! Il est avec toi.»
– Ruth, qui est enceinte, nous confie : «mon enfant s‘appellera Joseph ! Joseph a protégé Jésus et sa Mère quand ils ont fui leur pays. Je veux le remercier.»
– La petite Jérusalem n’a que 13 ans, elle est arrivée seule ici… «Je vous aime, vraiment !» dit-elle de son sourire timide en tenant nos mains serrées dans les siennes.
Avant de partir, nous recevons les dernières confidences : «Priez pour nous, ce que nous vivons c’est très dangereux. Ce soir on va au parking, peut-être on va passer». Mercy, la dernière, nous fait ses adieux, les yeux fixés au Ciel : « Nous nous reverrons, oui nous nous reverrons… ».
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A toi la parole.
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