“Mon premier Synode”
Sébastien Maillard, correspondant de La Croix à Rome, nous raconte le Synode des évêques qui a eu lieu du 5 au 19 octobre 2014 sur le thème « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation ».
Le Synode sur la famille, qui s’est achevé le 19 octobre dernier, est le premier événement de ce type qui m’a été donné de couvrir. J’appréhendais. Mon journal, La Croix, avait fait le choix d’accorder une large place à cette assemblée alors qu’en dépit de l’ampleur et de la sensibilité du sujet, je craignais qu’elle se révélerait ennuyeuse. Qu’allais-je bien pouvoir écrire chaque jour ? On m’avait narré de précédents synodes, écrits d’avance et où dominait la ‘langue de buis’. J’avais compris que l’assemblée plus décisive aurait lieu dans un an, au Synode d’octobre 2015.
Surpris par la liberté de parole
Comme mes autres confrères, et comme les participants du Synode eux-mêmes, j’ai été surpris. Par la liberté de parole – tout le monde l’a soulignée. Personne ne regrette le temps des interventions lues, passant du coq à l’âne. Le débat ici a été structuré par thèmes, minuté avec la précision d’une « horloge suisse » pour reprendre une comparaison amusée du pape François. Cette organisation serrée n’a pas empêché le débat d’être animé. Même, dit-on (je n’y assistais pas puisque l’assemblée était à huis clos), passionné et vigoureux par moments.
Savoir offrir au monde les trésors de l’Eglise
Sur le fond, j’aime cette Eglise en recherche, qui se questionne. Elle ne doute pas un instant de l’immense beauté du mariage, du miracle à la fois extraordinaire et banal qu’il représente au quotidien mais, en même temps, elle craint d’être maladroite pour le proposer dans nos sociétés actuelles. Elle reconnaît mal s’y prendre, ne pas toujours trouver le ton et les mots justes, être dépassée par les évolutions. Plusieurs évêques m’ont raconté comment, en écoutant les autres participants, ils se rendaient compte de la complexité des situations. En somme, j’ai compris ce Synode comme une reprise de conscience, par l’Eglise, de disposer d’un trésor sans plus savoir comment l’offrir aujourd’hui à ses contemporains. Comme si vous aviez un magnifique cadeau, sans savoir au juste à qui et à quel moment le donner, sans vouloir pour autant le brader ou le garder entre les bras.
J’ai aussi eu l’impression que les évêques redécouvraient un autre trésor, celui que renferme en soi le Synode. Ils ont pris la mesure du potentiel de cet instrument créé il y a bientôt cinquante ans et qui avait pris la poussière. Le pape François, personnellement impliqué dans la préparation de ce grand rendez-vous, y est pour beaucoup.
« Accompagner n’est pas relativiser »
Certains participants semblent redouter ce potentiel, en redoutant des effets destructeurs. Comme s’ils ne voulaient pas jouer le jeu du Synode, en se rassurant derrière le rappel de la doctrine amplement reprise dans le rapport final. Mais à quoi bon réunir 253 personnes de toute la planète durant deux semaines à Rome pour re-citer de larges extraits d’encycliques ? Oui, on pouvait ressentir durant cette assemblée une peur que la recherche commune de nouvelles réponses pastorales n’emmène l’Eglise trop loin, surtout après la publication du rapport d’étape au ton novateur. Une peur que l’accueil de l’Eglise, son accompagnement, sa miséricorde soient mal compris de l’extérieur et interprétés comme du laxisme, une renonciation, un recul, une défaite. Comme a rassuré le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne : « Accompagner n’est pas relativiser ».
Prendre le temps de la maturation
Il est évident que ce Synode, avec sa liberté de parole et sa large médiatisation, a fait ressortir au grand jour des désaccords. Une discussion, pour caricaturer, entre tenants de la Vérité et de la miséricorde. Elle n’a pas été sans me rappeler celle, dans les sommets européens que je couvrais avant, entre partisans de l’austérité et de la souplesse – tiraillement qui continue. Dans les deux cas, il s’agit d’aboutir à un consensus. L’Eglise n’a pas à redouter d’avoir fait tomber le masque de l’unanimisme, qui n’est pas synonyme d’unité. Prendre le temps du dialogue, de l’écoute, du discernement, de la patiente maturation, d’ici au second Synode, est un excellent message envoyé à nos démocraties souvent pressées d’en découdre.
Sébastien Maillard, correspondant de La Croix à Rome
Voir aussi :
Vu de Rome par Sébastien Maillard
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Dossier sur le Synode des évêques sur la famille
Commentaires
A toi la parole.
Admiratif, ravi et comblé par l’écriture imagée et l’analyse fine du synode que nous offre Sébastien Maillard.
Comme lui, j’aime cette Eglise en recherche, qui se questionne.
J’ai beaucoup aimé la métaphore du magnifique cadeau, sans savoir au juste à qui et à quel moment le donner,
sans vouloir pour autant le brader ou le garder entre les bras.
Sébastien, tu m’as presque fait aimer le mariage, moi le catho anarchiste …
Puis-je dialoguer avec vous par mail ?
Merci
Pour prolonger la discussion, puis-je vous inviter à vous rendre sur mon blog “Vu de Rome” sur la-croix.com