Du 9 au 8, de saint Pierre à l’Espagne

Cette année pourquoi la fête de l’Immaculée Conception se retrouve-t-elle le 9 décembre et non pas le 8 comme d’habitude ? Et pourquoi le pape tout d’un coup décide-t-il d’aller faire un tour place d’Espagne pour cette fête ? En général, n’est-ce pas place Saint Pierre qu’ont lieu les célébrations ou les fêtes ?

Ces petites modifications sont sans doute passées inaperçues pour beaucoup. Qu’importe, c’est avec joie que nous sommes allés explorer la tradition romaine et les hasards du calendrier.

Du 8 au 9, l’histoire de l’Immaculée Conception en deux mots

Car il s’agit bien d’un hasard du calendrier. Normalement, l’Église fête l’Immaculée Conception le 8 décembre depuis la reconnaissance de cette fête par le Pape Sixte IV. C’est à cette date que la tradition de l’Église supposait la conception de la Vierge Marie. Cependant le 8 décembre est en plein dans l’Avent. Les hasards du calendrier peuvent donc faire coïncider cette fête avec un des dimanches de l’Avent. Ce qui a été le cas hier… Dans ce cas, elle est décalée d’un jour. En 2013, l’Église fête donc l’Immaculée Conception un 9 décembre.

Dans le paragraphe précédent, certains auront sans doute relevé la date quelque peu étrange de 1477. En effet la date souvent retenue est celle du 8 décembre 1854, date à laquelle le pape Pie IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception ; il définit, à partir de l’Écriture (Genèse III 15, S. Luc I 28 et I 42), que la Vierge Marie, en vue de sa maternité divine, fut, dès sa conception, préservée du péché originel et mise en pleine possession de la grâce sanctifiante.

Cette date, somme toute assez tardive, ne doit pas faire oublier que très tôt dans l’Église la question de l’Immaculée Conception s’est posée et que dans certaines régions, cette fête était ancienne et très forte comme par exemple en Orient où elle est attestée dès le VIIIe siècle. Puis en Angleterre où elle est apportée par des pèlerins revenant de Terre Sainte et ensuite dans de nombreuses régions d’Europe.

A côté de la piété populaire, l’Immaculée Conception fera débat dans les rangs des théologiens. Des pères de l’Église sous-entendent déjà ce qui deviendra la doctrine de l’Église; dans une lettre de Saint Ambroise*(~340-397): « Marie est sans défaillance, immaculée. ». La réflexion devra cependant encore mûrir jusqu’à ce que l’Église proclame l’Immaculée Conception de la Vierge Marie en tant que dogme en 1854. Quatre ans plus tard, à Lourdes, la petite Bernadette voit apparaitre une belle dame qui lui dit en Gascon: « Que soy era immaculada councepciou » (« Je suis l’immaculée conception »)…

De Saint Pierre à l’Espagne

Sur la place d’Espagne à Rome se trouve la « Colonne antique de l’Immaculée Conception » installée par Pie IX peu après la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception. C’est cependant Jean XXIII qui a institué la tradition en 1958 d’un hommage à la Vierge Marie en ce lieu lors de la fête de l’Immaculée Conception.

Chaque année, le pape vient déposer au pied de la colonne une gerbe de fleur, c’est aussi le cas de centaines de communautés et de confréries. Ils viennent ainsi renouveler leur consécration à la Vierge Marie. Par exemple, le Corps des Pompiers va à l’aube accrocher une couronne de fleur au bras de la Vierge, perchée au sommet d’une très haute colonne de marbre. Suivent ensuite la Gendarmerie du Vatican, et diverses confréries, mais aussi les membres de l’Ordre de Malte, de l’Ordre du Saint-Sépulcre, la Croix-Rouge italienne…

Plus proche de chez nous, à Lyon, la fête de l’Immaculée Conception est depuis 1852 à lieu le jour de la fête des lumières. En 1852, on achevait à Lyon la reconstruction du clocher de la vieille chapelle de Fourvière. Au sommet de l’édifice, on avait placé une statue de la Vierge Marie en bronze doré. Elle devait être inaugurée le 8 septembre, mais une inondation dans l’atelier du fondeur retarda la cérémonie au 8 décembre.

Ce jour-là, des feux d’artifice étaient prévus mais une pluie torrentielle s’abattit sur la ville. A la tombée de la nuit, le ciel s’éclaircit et la pluie s’arrêta. « Tout à coup, selon le récit d’un chroniqueur, apparaissent à quelques fenêtres inconnues des lignes de feu… La ville s’était embrasée en un instant. Bientôt, il ne restait plus, sur la vaste étendue des quais, des rues, des passages ignorés et des cours invisibles, aucune fenêtre obscure. Les petits marchands, les clochers, illuminaient leurs baraques, leurs voitures et jusqu’aux bordures des trottoirs… Quelques feux de Bengale s’allumèrent sur les toits de la chapelle de Fourvière, la statue de la Vierge apparaît et la grosse cloche de Saint-Jean, cet éloquent interprète des joies publiques, est lancée à toute volée. A huit heures, la population entière était dans la rue, circulant, paisible, joyeuse et attendrie. On se serrait la main sans se connaître, on chantait des cantiques, on applaudissait, on criait : “Vive Marie !” Les étrangers n’en revenaient pas de leur surprise, et les Lyonnais, tout remplis qu’ils étaient de cette fête improvisée, se demandaient comment, en un instant, une population de trois cent mille âmes avait pu être saisie de la même pensée ».

L’événement éphémère d’une nuit devint institution. On prépara avec soin les illuminations de 1853. Quant à celles de 1854, elles furent un triomphe, car elles coïncidaient avec la proclamation par le Pape Pie IX, à Rome, du dogme de l’Immaculée Conception. Les Lyonnais avaient la fierté des précurseurs.
Depuis, chaque année, le soir du 8 décembre, les Lyonnais illuminent leur ville pour la fête de l’Immaculée Conception.

Aller plus loin:

L’immaculée conception sur le site de l’Église catholique
Lyon fête Marie

*Lettre à Sirice 42,2