« Laudato Si » : une encyclique qui va toucher les jeunes ?
La prochaine encyclique du pape François sort ce 18 juin. Intitulée « Laudato Si » (« Loué sois-tu », titre tiré du célèbre « Cantique des créatures » écrit par saint François d’Assise en 1225), elle concerne « la sauvegarde de la maison commune », c’est-à-dire la protection de l’environnement et de la vie. Un texte qui semble très attendu internationalement, surtout à six mois de la COP 21, la grande conférence climatique qui s’ouvre le 30 novembre prochain à Paris. Le Pape lui-même, lors de l’Angélus du 14 juin dernier, a sans doute avivé l’impatience du public, en affirmant : « Cette encyclique est adressée à tous » – donc pas seulement aux fidèles catholiques. Aux premiers rangs des futurs témoins et acteurs du changement climatique, les jeunes. L’écologie, la plupart d’entre eux en entendent parler depuis leur plus jeune âge. Alors, une encyclique du pape François sur ce sujet, qu’en pensent-ils ? Témoignages.
Gwendal Rozier, 24 ans, « breton normand pur beurre salé » qui crée son entreprise dans la continuité de son manifeste « Changer le monde depuis sa chambre ». (voir ici son témoignage)
Cette encyclique sera sans doute un grand élan de joie, pour se tourner vers Dieu et le louer. J’aimerais aussi qu’elle élargisse l’écologie au domaine des instances politiques et décisionnelles, notamment en remettant en question des principes économiques tels que la propriété privée, ou les pratiques néolibérales. Pour tous les groupes de réflexion et les mouvements écologiques, l’encyclique pourrait devenir un texte de base, source d’approfondissements et d’inspiration. Beaucoup a déjà été fait dans le domaine de l’écologie, mais des clivages séparent plusieurs courants ” Verts “, et les chrétiens se sentent souvent mis à l’écart concernant les sujets de bioéthique. Le texte du Pape pourrait donc donner une direction commune, favoriser une réconciliation profonde et un dialogue. Enfin, j’espère que ça réveillera tous les chrétiens ! Ils ont besoin d’être secoués pour changer leurs habitudes et ne pas perdre leur bon sens. Mais pour être vraiment efficaces, il faut changer nos cœurs. Tout doit commencer par là, en s’enracinant dans la joie et en revisitant tout notre quotidien à travers le regard d’amour du Christ. En ce qui me concerne, je ne peux pas limiter ma foi à la prière et aux relations sociales. Elle doit aussi me faire vivre dans mes habitudes quotidiennes, ma manière de consommer. Le Christ est toute ma joie, et la source de mon amour. Cet amour m’aide à transfigurer ma vie quotidienne, en lui donnant de la profondeur ; et dans mon engagement écologique, ma foi m’invite à sortir de moi-même pour entrer en dialogue avec l’autre, quelques soient ses opinions.
Nathalie Vialla, 32 ans, bénévole auprès du CCFD-Terre Solidaire, pour lequel elle s’engage dans la préparation de la COP21
En lisant l’encyclique du Pape François, je serai intéressée de découvrir les liens établis entre la Bible et la protection de la Création. Dans des encycliques précédentes, certains papes ont déjà un peu évoqué cette question. Mais dans celle du Pape François, peut être que plusieurs passages de la Bible, moins connus que le récit de la Création, seront mis en relief. Ainsi, le combat environnemental pourra être plus profondément ancré, sur les plans théologique et biblique. Je constate aussi que le message écologique a du mal à entrer dans les églises. Le thème est rarement abordé dans les paroisses ; l’encyclique pourrait être une bonne occasion d’introduire le sujet. L’opportunité est également superbe pour faire lire une lettre encyclique à des non-chrétiens. Personnellement, j’ai été impressionnée par le nombre de grands journaux, français et étrangers, pas seulement chrétiens, qui attendent la sortie de ce document. Le texte provoquera sûrement un large écho, et j’espère que cela favorisera une prise de conscience : non, l’écologie n’est pas réservée à des personnes riches ou ” qui ont le temps “. Elle est nécessaire pour sauver l’humanité. Et les chrétiens ont un devoir fondamental : agir pour la justice climatique, pour la solidarité. Il faut préserver la Création qui parle forcément de Dieu, et porter de l’aide aux plus pauvres qui seront les premières victimes des changements climatiques si rien n’est fait.
Jérôme Lhote, 32 ans, créateur de Koom, une plateforme de mobilisation de citoyens sur les enjeux liés au développement durable
De l’encyclique du Pape, j’attends deux choses : un éclairage sur le lien fort entre les enjeux environnementaux et ceux liés à l’homme, afin que les deux ne soient pas dissociés, et une interpellation des chrétiens et de tout Homme à être acteurs sur ces enjeux importants, notamment dans leur choix de consommation. Nous sommes sans doute la génération de l’humanité qui a la mission la plus exaltante et exigeante à vivre : celle de permettre la continuité de la vie humaine sur Terre. Ce souci de la création, l’écologie, est pour moi central dans ma foi, car il incarne aujourd’hui le message évangélique : « aimez-vous les uns les autres » ou « aime ton prochain comme toi même ». Aimer son prochain, c’est vouloir qu’il vive (donc qu’il puisse manger, respirer, vivre en paix) et qu’il soit habité par la joie de vivre. Or les effets du changement climatique remettent en cause la joie de vivre et la vie d’un nombre croissant de nos frères. Ils sont générateurs de pauvreté, de faim et de conflits. L’écologie est donc liée pour moi à la mission évangélique de tout chrétien, aimer. A mon avis, cette encyclique accentuera un message fort de la précédente (la Joie de l’Evangile) : celui de sortir de nous-même, d’aller vers les autres, de dire la vérité, même quand elle dérange. La priorité pour moi est d’amener à une conversion de notre façon de vivre afin de permettre aux générations suivantes de vivre également. Cela doit se faire de manière positive et joyeuse, et nécessite du courage et de la ténacité car des conflits d’intérêts demeurent.
Priscille de Poncins, philosophe, membre du cercle initiateur de l’association « Chrétiens unis pour la Terre »
J’espère que cette encyclique va réconcilier les chrétiens et l’écologie. Pour le moment, l’écologie reste beaucoup assimilée à la politique, en particulier aux Verts, vu par beaucoup de mes amis chrétiens comme un parti libéral, libertaire, aux valeurs éloignées des leurs. Il faut donc que la considération de l’écologie par les chrétiens change. J’aimerais aussi que ce texte encourage l’action de notre association « Chrétiens unis pour la Terre », en développant notamment des pistes nouvelles à propos de la théologie de la Création. Car l’écologie n’est que le nom moderne de la protection de la Création. Or le respect de la Création est inscrit dans la Bible. Par exemple, l’Ancien Testament montre que l’institution du Sabbat est une invitation à prendre du recul, en accueillant le don de la Création, donc en gagnant en conscience écologique. L’Homme ne doit pas être prédateur mais gardien de la Création. Et, à mon avis, le Christ a porté le Salut non seulement à toute l’humanité, mais aussi à la Création toute entière. Les textes bibliques révèlent donc un lien fort entre christianisme et écologie. Pour un chrétien, faire de l’écologie devrait être logique ! Grâce à cette encyclique, je souhaite donc que plus de chrétiens s’impliquent dans la militance écologique, car la survie de l’humanité est en jeu. Et comme premier geste concret, il faudrait désinvestir dans les énergies fossiles, en laissant une partie des réserves dans le sol, pour éviter d’urgence l’élévation de la température terrestre prévue à l’horizon 2050.
Propos recueillis par Adélaïde Patrignani
Lire aussi :
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Qu’est-ce que la COP21 ?
Dossier d’eglise.catholique.fr sur la COP 21
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Changer le monde depuis sa chambre
Commentaires
A toi la parole.
Cet encyclique je ne pense qu’une solidarité et la continuation de l’oeuvre de Dieu Createur . merci mille fois Pape François .