Gaudete et Exsultate : tous appelés à la sainteté !
Ce lundi 9 avril 2018, en la fête de l’Annonciation, le Pape François a publié la 3ème exhortation apostolique de son pontificat : « Gaudete et Exsultate », un texte fort et éclairant pour tous les jeunes qui cherchent le bonheur !
Après Evangelii Gaudium et Amoris Laetitia, Gaudete et Exsultate est un vrai petit Traité de vie spirituelle, accessible et stimulant pour nous aider à vivre concrètement l’Evangile au quotidien. Par ce texte, dense et assez bref qui se lit facilement, le Pape François veut faire résonner en nous de manière forte l’appel à la sainteté qui est la vocation de tous les baptisés sans exception, car « la sainteté est le plus beau visage de l’Eglise » (§9) mais surtout elle est le chemin de vie et de bonheur que le Seigneur veut nous offrir (§1).
Par ce texte, le Pape veut faire résonner en nous de manière forte l’appel à la sainteté dans la lignée du Concile Vatican II, non pas comme un idéal inaccessible et désincarné, mais comme un chemin très concret et incarné, celui qui invite à avancer, à risquer toujours un pas de plus, en affrontant la complexité de la réalité au cœur du monde tel qu’il est avec ses défis et ses opportunités. Bref, la sainteté présentée ici dans un langage certes contemporain, mais dans une dynamique profondément enracinée dans la tradition spirituelle et la mystique ignatienne chère au Pape François, est tout simplement l’art de vivre en chrétien au jour le jour, avec et pour les autres, c’est-dire l’art des petits gestes pour aimer et servir Dieu en aimant et en servant les autres dans tous les aspects de notre vie.
Bonne nouvelle : « pour être saint, il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux » (§14) ! Nous sommes tous appelés à être saints, quel que soit notre situation, si nous laissons la grâce de notre baptême porter du fruit, à commencer par les laïcs qui constituent la très grande majorité de ce peuple de Dieu conduit par l’Esprit ! Car « pour un chrétien, il n’est pas possible de penser à sa propre mission sur terre sans la concevoir comme un chemin de sainteté » (§19).
A travers les cinq chapitres de ce texte, nourris de multiples références et exemples, le Pape François nous invite à accueillir la sainteté comme un don, une grâce qui nous rejoint dans notre humanité pour la déployer en nous transformant. Non, la sainteté n’est pas un idéal inatteignable, elle n’est pas réservée à une élite ! Elle est pour tous et pour chacun d’entre nous quand nous osons accueillir la nouveauté de Dieu et discerner sans peur et en liberté notre chemin singulier pour être une mission sur cette terre. Mais attention, la sainteté n’est pas un chemin lisse et confortable, sans écueils car nous sommes tous confrontés au mystère du mal. La grâce ne supprime la nature, nos êtres limités sont affrontés à de multiples tentations que le Pape François décrit avec beaucoup de réalisme. Bref, « la vie chrétienne est un combat permanent » et il est bon de repérer les manœuvres de l’ennemi qui veut nous empêcher de vivre ce christianisme intégral.
Ainsi le chapitre 2 décrit de manière très réaliste ces « deux ennemis subtils de la sainteté » que sont le gnosticisme et le pélagianisme. C’est-à-dire pour le premier la tentation de réduire le christianisme à une idéologie en l’enfermant dans un savoir et des raisonnements désincarnés qui ne laisserait plus de place au mystère. Le Pape dénonce ici le risque bien connu du cléricalisme élitiste de ceux qui se considéreraient supérieurs, en se plaçant subtilement hors du peuple et nieraient la pluralité des interprétations et la multiplicité des situations. Et pour le second, le pélagianisme, la tentation d’accéder à la sainteté par un volontarisme perfectionniste qui ne s’appuie que sur ses propres forces et ne reconnait pas ses limites. Au contraire, le chemin de la grâce est celui de la reconnaissance humble de ses propres limites pour mettre toute sa confiance en Dieu, en recevant tout son être d’un d’Autre comme un don.
Le chapitre 3 nous offre une belle méditation sur les Béatitudes qui sont « comme la carte d’identité du chrétien». On retiendra en particulier la finale de chaque commentaire de ces huit Béatitudes (Lc12n 16-21) dans les paragraphes 71 à 94:
« Réagir avec humble douceur c’est cela la sainteté ! »
« Savoir pleurer avec les autres c’est cela la sainteté ! »
« Rechercher la justice avec faim et soif c’est cela la sainteté ! »
« Regarder et agir avec miséricorde c’est cela la sainteté ! »
« Garder le cœur pur de tout ce qui souille l’amour c’est cela la sainteté ! »
« Semer la paix autour de nous c’est cela la sainteté ! »
« Accepter chaque jour le chemin de l’Evangile même s’il crée des problèmes c’est cela la sainteté ! »
Mais plus encore « le grand critère » sur lequel nos vies chrétiennes seront jugées tel que décrit en Mt25, 31-46 « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger… » car la sainteté implique de reconnaître la dignité de l’autre et nécessite notre engagement pour la transformation sociale. Il nous faut relier prière et action et servir sans hésiter notre prochain, car « la miséricorde est la clef du ciel » (§105)
Le chapitre 4 présente ensuite « quelques caractéristiques de la sainteté dans le monde actuel » qui constituent « le style de Jésus » :
1/ l’ancrage en Dieu qui nous donne endurance, patience et douceur pour tenir dans ce monde changeant.
2/ la Joie et le sens de l’humour car « la mauvaise humeur n’est pas un signe de sainteté ! »
3/ l’audace et la ferveur qui traduisent ce terme grec important qu’est la parresia, marque de l’Esprit-Saint pour évangéliser sans crainte et avec courage, oser changer pour accueillir la nouveauté de Dieu en se laissant déplacer pour aller vers l’inconnu jusqu’aux périphéries. « Dieu n’a pas peur ! Il n’a pas peur ! Il va toujours au-delà de nos schémas et ne craint pas les périphéries. Lui-même s’est fait périphérie ». Et le Pape François rappelle ici combien « l’Eglise a besoin de missionnaires passionnés, dévorés par l’enthousiasme de transmettre la vraie vie ! » (§138) mais il souligne aussi que ce chemin de la mission, de la sainteté ne se fait jamais seul mais toujours en communauté, qui est véritablement le lieu de l’apprentissage de l’amour. Suit tout un développement sur l’importance de la prière en ses différentes modalités d’expression.
Enfin le chapitre 5 est consacré au « combat, vigilance et discernement » car « notre chemin vers la sainteté est aussi une lutte constante » (§162). « La vie chrétienne est un combat permanent. Il faut de la force et du courage pour résister aux tentations du diable et annoncer l’Evangile. Mais aussi de la vigilance pour résister à la corruption spirituelle qui nous fait sortir d’un chemin de progrès. La maturation spirituelle et la croissance de l’amour sont les meilleurs contrepoids au mal » (§169). S’ensuit toute une partie importante sur le discernement qui est « un don à demander », « un instrument de lutte pour mieux suivre le Seigneur» et « une nécessité impérieuse » dans le monde actuel, surtout pour les jeunes. « Aujourd’hui, l’aptitude au discernement est redevenue particulièrement nécessaire. Car tout le monde spécialement les jeunes exposés au zapping et multiplicité possibilités de choix. » On comprend d’autant mieux pourquoi le Pape François a choisi pour thème du prochain synode des évêques « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Le discernement demande patience et temps, il trouve son origine dans « la disponibilité à écouter le Seigneur les autres, la réalité même qui nous interpelle toujours de manière nouvelle » (§172).
Sans doute n’est-il pas neutre que ce texte paraisse en ce jour de la fête de l’Annonciation à travers laquelle Marie nous donne ce modèle du « oui » total qui écoute et accueille pleinement l’appel du Seigneur « “Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole”. Ce verset de l’Evangile de Luc est aussi le thème des JMJ de Panama 2019. Deux semaines après le pré-synode des jeunes, alors que l’Eglise propose aux jeunes un chemin marial vers les JMJ de Panama en syntonie avec le synode 2018, les jeunes pourront accueillir et lire avec beaucoup de joie cette riche et profonde exhortation apostolique comme une belle première réponse au document final du pré-synode qu’ils ont écrit pour donner à entendre leurs cris et leurs désirs comme ils y ont été invités par le Pape François. Nul doute qu’ils en seront renouvelés comme tous les chrétiens dans leur désir de sainteté, c’est-à-dire leur aspiration à une vie bonne, belle et vraie.
Sr Nathalie Becquart, directrice du Service National
pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations
→ Lire l’exhortation apostolique “Gaudete et Exsultate” dans son intégralité
Commentaires
A toi la parole.
félicitations